UN ÉGYPTIEN À PARIS (36)

Publié le par Yaqzan

Sous Charles-X et Lous-Philippe


Discipline, discipline ...

                                                                                                             
Tahtaoui promoteur de l'Education et de
l'émancipation  des   femmes en Égypte
Illustr.  "Le Progrès Egyptien"  avr. 2006

Placés donc  sous la double tutelle de l'éminent professeur Jomard et de l'Imam Tahtaoui, tutelle morale et scientifique pour le premier, spirituelle et religieuse, pour le second, nos étudiants égyptiens étaient également soumis à l'étroite surveillance disciplinaire de trois hauts fonctionnaires du Divan (Cabinet) de Méhémet Ali . Voir  UN ÉGYPTIEN À PARIS (35)  note 6

L'Imam nous trace un portrait moral aussi affûté que lapidaire de ces trois personnages qu'il pare du tître honorifique d'Effendi's:

"Le premier, son excellence  le Muhrdar (chancelier) Abdi, joint le sens parfait du jugement à celui  de l'autorité. 'Maître du sabre et de la plume' , il est aussi au fait des us et coutumes des Arabes et des étrangers.

"Le deuxième, le Douaydar (Secrétaire) Mustapha Mukhtar, est un homme, perspicace né sous une bonne étoile et dont l'amour des honneurs lui a fait perdre toute honte.

"Le troisième, son excellence le Hadj Hassan effendi el-Iskandarani, unit le savoir et l'action, 'le calame et la lance'. Par la grâce de Dieu, il peut nourrir tous les espoirs en ce monde comme dans l'au-delà.

Selon Tahtaoui, ces trois hauts fonctionnaires  égyptiens exerçaient leur surveillance sur les étudiants à tour de rôle à raison d'un jour chacun dans un premier temps et ensuite d'un mois chacun . Sur le tard, un seul d'entre eux , le Muhrdar  Abdi Effendi , resta  en charge de cette surveillance qui, on s'en doute, concernait essentiellement la conduite morale de ces jeunes musulmans en "terre infidèle" où les tentations libertines étaient assurément fort grandes.

Mais les Effendi's  se trouvaient eux aussi à Paris pour apprendre (1). Le Chancelier Abdi étudiait l'administration, le Secrétaire Mustapha Mukhtar les affaires militaires et le Hadj Hassan el-Iskandarani la navigation et l'architecture navale.

L'Imam Tahtaoui poursuit son récit:

"Logés tous ensemble dans la demeure des effendi's nous ne sortions ni de jour ni de nuit à l'exception du dimanche, jour férié des Européens et  à condition d'être munis d'une autorisation écrite  que l'un des surveillants à qui nous avions été confiés  par  sa gracieuse majesté remettait au portier de l'immeuble.

"Ensuite lorsque nous fumes répartis entre divers établissements appelés pensionnats nous ne sortions que les jours de repos, c'est-à-dire toute la journée du dimanche ainsi que le jeudi après la fin des cours et les jours de fête des Français. Certains parmi nous sortaient le soir après le dîner s'il n'avaient pas de cours. "

L'imam écrit que lors de l'entrée des étudiants dans les pensionnats, le collège de leurs surveillants avait établi un règlement de discipline en quatorze articles qu'il nous transcrit par le menu. Il serait fastidieux d'exposé le détail de ce document, véritable  modèle de minutie bureaucratique.

En résumé ce règlement précise les horaires et conditions de sortie des étudiants et leur contrôle ainsi que les sanctions pour manquement éventuel à ses dispositions, sanctions pouvant se traduire par des interdiction de sortie d'une à deux semaines. Il règle aussi les rapports avec les professeurs et le traitement des plaintes éventuellement  émises par l'une ou l'autre des parties. Il évoque aussi les récompenses éventuelles, les conditions d'approvisionnement en fournitures scolaires.

 Les manquements répétés et surtout les contraventions à la morale entraînent de lourdes sanctions pouvant aller jusqu'au renvoi du coupable en Egypte. Le texte prévoit également la participation des étudiants égyptiens aux activités dirigées de loisir et sportives en compagnie de leurs condisciples français. Il stipule qu'ils sont soumis comme les élèves français aux règlements internes des établissements scolaires sauf en matière religieuse.

Il était entendu que le vice-roi d'Egypte soit  tenu régulièrement informé du déroulement de la mission.

1) Accompagnant les jeunes égyptiens en qualité d'Imam, c'est-à-dire en quelque sorte de tuteur spirituel, Rifaat at-Tahtaoui demanda à Méhémet Ali l'autorisation d'étudier lui aussi. Il s'appliqua essentiellement à l'étude de la traduction, ce qui lui permit à son retour en Egypte de créer en 1835 au Caire l'Ecole Supérieure de la Traduction, devenue aujourd'hui Faculté des Langues.

Publié dans Histoire

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