UN ÉGYPTIEN A PARIS (18)

Publié le par Yaqzan


Sous Charles-X et Louis-Philippe




Les festivités parisiennes sous la "Monarchie de Juillet"

Après s'être intéressé aux théâtres, cirques et autres spectacles parisiens, Rifaat at-Tahtaoui nous parle...

Des bals


Gravure de Charles Vernier (XIX-ème s.)

" Paris a ses bals populaires où tous les gens peuvent entrer. Ils sont organisés dans des cabarets ou des jardins. Mais Il y a aussi des bals privés auxquels des personnes sont conviées aux plaisirs de la danse et de la musique, comme cela se fait chez nous en Egypte à l'occasion des mariages.

"Le bal rassemble hommes et femmes dans une salle abondamment éclairée, meublée de nombreux sièges destinés essentiellement aux dames, et aucun homme ne s'assied à moins que quelque chaise ait été laissée libre. Même dans ce cas, si une femme vient à se joindre à la fête, l'homme se lèvera pour lui céder la place, ce qu'aucune femme en revanche ne fera.



"Dans ces assemblées, les dames, plus que les hommes, sont toujours traitées avec  grand honneur. De même, par exemple, si un homme rend visite à l'un de ses amis, il se doit de présenter ses salutations en premier lieu à l'épouse de celui-ci quand bien même serait-il une personne de haut rang. La préséance est en effet dévolue aux maîtresses de  maison.



"Mais revenons aux  lieux où l'on danse à Paris. Ce sont des pistes comme celles que nous connaissons au Caire pour les jeux équestres, mais ici, elles sont destinées à la danse, à la musique instrumentale et aux chants entrecoupés de  pauses au cours desquelles sont servis des mets et des boissons légères. En somme, la musique pour l'essentiel et les boissons légères pour l'accessoire sont le fait commun de ces réunions. Pour les Français, en somme, la danse est un art parmi les arts.

(Dans une digression, Tahtaoui, se référant à un géographe et historien arabe du 10-ème siècle (1), établit une comparaison entre la lutte et la danse pour démontrer que la perfection dans l'une comme dans l'autre dépend de la juste mesure et de  la précision  du geste, qui requiert un apprentissage)

"En France, poursuit-il, la pratique de la danse est une manière de coquetterie, une façon de faire montre d'élégance mais non de se livrer au libertinage, et c'est pourquoi elle ne déroge jamais aux règles de la pudeur . C'est fort différent de ce que l'on voit au Caire, où danser est une affaire de femmes qui n'a d'autre objet que d'exciter les sens (2). A Paris en revanche, la danse n'exhale aucun parfum de débauche.

"Au bal, tout homme peut inviter une femme à danser et, la danse achevée, un autre l'invite à son tour et ainsi de suite, qu'ils se connaissent ou non. La femme éprouve d'autant plus de joie que nombreux sont les hommes qui l'invitent à danser. Un seul ne lui suffit pas, ni même deux. Bien au contraire! Elle aime voir un grand nombre d'hommes la désirer pour cavalière. Un seul la ferait mourir d'ennui.

"Parmi les danses ici pratiquées, il en est une dans laquelle l'homme tient la femme quelle qu'elle soit par la taille, et toucher de sa main la partie supérieure de son corps n'a rien d'indécent pour ces Chrétiens. Enfin,  tenir aux femmes un beau discours et les flatter relève d'une bienséance que la maîtresse de maison apprécie,  félicitant l'assemblée.

Et de Carnaval


Promenade du Boeuf Gras autrefois (Petit Journal)

Il y a aussi des festivals populaires qui se tiennent généralement en été et qui donnent lieu à un orgie de musique, de danse et de lancers de pétards. Entre autres festivités il y a ce qu'ils nomment le "Carnaval" et qui rappelle la fête du "lever de la Croix" pratiquée par les Coptes en Egypte (3). Pendant ce Carnaval, qui dure plusieurs jours, il est permis à tous les gens de revêtir des déguisements. Ainsi, des hommes s'habillent en femmes et des femmes en hommes, d'autres s'exhibent dans de splendides  vêtements de nobles personnages etc.

Au cours de ces journées, tout est permis qui ne nuise pas toutefois au bon ordre et à la tranquillité du Royaume. Les Français disent que ce sont des journées de folie. Pendant ces "jours gras", on promène à travers la ville le boeuf le plus gras de tous les boeufs de France en un cortège énorme. Le boeuf est ensuite abattu et un "bakchich" offert à son propriétaire. (4)

(1) Mas'udi (Les Prairies d'Or).

(2) Il s'agit de danseuses publiques appelées "ghazeyyeh" à ne pas confondre avec les "Almées", musiciennes publiques, bien que les unes comme les autres ne jouissaient pas généralement d'une bonne réputation.

(3) Il s'agit d'une fête chrétienne coïncidant avec le moment où le Nil atteint son plus haut niveau et qui donnait jadis lieu à de grandes festivités.

(4) Le cortège ou promenade du "Boeuf-Gras" est une coutume carnavalesque qui remonte au XVIII-ème siècle et qui était très largement pratiquée au milieu du XIX-ème. Après avoir disparu, elle a été  remise à l'honneur récemment dans quelques municipalités mais plutôt dans un but  de promotion du cheptel de boucherie.



Publié dans Histoire

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