CORSAIRES ET PIRATES BARBARESQUES

Publié le par Yaqzan


Un traité de paix entre le Portugal et le Bey d'Alger



En ces temps où l'on parle beaucoup de piraterie maritime il me parait intéressant de livrer aux lecteurs la traduction du texte bilingue du "Traité de Paix et d'Amitié" signé le 14 juin 1813 à Alger entre le Portugal et le Bey d'Alger , d'après un exemplaire original édité à Lisbonne par l'Imprimerie royale portugaise.
Compte tenu du caractère historique et de l'ancienneté de ce texte de style diplomatique aujourd'hui désuet, j'ai choisi pour plus de fidélité de "coller" à la lettre au plus près et ce naturellement aux dépens de l'élégance du langage.


                                "Au Nom de Dieu Clément et Miséricordieux"
                                     (Emplacement du sceau)


"Traité de Paix et d'Amitié entre son Altesse Royale le Très Haut et Très Puissant Prince Régent du Portugal, des Algarves, de ce côté-ci et d'au delà les mers, en Afrique de Guinée, et de la "Conquista" (Le Brésil selon le texte arabe)), Navigation, Commerce d'Ethiopie, Arabie, Perse et de l'Inde etc.; et le Très Noble et Honoré Sid Hage Aly, Pacha d'Alger et des Provinces sujettes de son Pouvoir, établi entre ledit Pacha, son Divan (1) et princes de son Etat; et José Joaquim da Rosa Coelho, Capitaine de Mer et Guerre de l'Armada Royale; et Fr. José de Santo Antonio Moura, Interprète de Langue Arabe, et Officier de la Secrétairerie d'Etat aux Affaires de la Marine, et Domaines d'Outremer, par compétence autorisés à donner effet audit Traité, dans lequel est intervenue   Sa Majesté Britannique en qualité de Médiateur et Garant, représentée à cet effet avec les pleins pouvoirs par Mr. William a Court, envoyé extraordinaire et Ministre Plénipotentiaire de la Cour de Londres.




                   
                                             Article I

 Il y aura une paix ferme, stable et durable entre les deux parties contractantes, et leurs Sujets (2) respectifs; et toutes embarcations qu'elles soient de guerre ou marchandes, des deux Nations pourront naviguer librement et en toute sécurité vers où il leur convient et munis pour cela des Passeports appropriés.

                                                  II.

"Toutes les embarcations et Sujets du Portugal pourront entrer, sortir, demeurer, commercer et se pourvoir de tout le nécessaire dans les Domaines d'Alger, sans qu'il leur soit mis obstacle ou fait violence. Les Sujets et Embarcations Algériennes seront traitées de la même sorte dans les Domaines du Portugal.




                                                  III.

Les Embarcations de Guerre appartenant à la Couronne du Portugal pourront se pourvoir de tout le nécessaire à leur entretien et de toute autre chose dont ils auraient besoin dans les ports d'Alger et au prix courant sans qu'ils soient contraints à payer pour cela quoi que ce soit de plus.

                                                  IV.

Aucun Corsaire (3) Algérien ne pourra croiser dans une zone de six milles des côtes du Portugal et des ses îles ou demeurer en ces lieux aux fins de donner la chasse ou de visiter les Navires Portugais ou de quelque autre
Nation  de leurs  ennemies   faisant route vers les ports (du Portugal) pour motif de commerce. Il en ira de même pour les Navires de guerre Portugais près des Côtes d'Alger.

                                                    V.

Si quelque Embarcation ou Navire Marchand Portugais devait être rencontré par un quelconque Corsaire Algérien et que celui-ci veuille le contrôler, il pourra le faire pour autant que pas plus de deux personnes ne montent à son bord aux fins d'examiner ses documents et Passeports.

                                                     VI.

Les Etrangers de quelque nation que ce soit et les marchandises de propriété Etrangère qui se trouveraient à bord de toute Embarcation Portugaise, fussent-ils  même d'une Nation ennemie (4) d'Alger, ne pourront être appréhendés quel que soit le prétexte allégué. Il sera pratiqué de la même façon de la part des Portugais à propos des effets qui se trouveraient à bord  de toute embarcation algérienne.    De la même façon, les sujets comme les effets appartenant à l'une ou l'autre des parties contractantes qui se trouveraient à bord de toute embarcation ennemie  de l'une ou l'autre des mêmes parties contractantes seront respectées et mises en liberté par l'autre partie mais ne pourront poursuivre leur voyage que munis du sauf-conduit correspondant. Toutefois s'il arrivait que celui-ci fasse défaut, les personnes ne devront pas être considérées comme esclaves (5) mais bien au contraire, étant certifié qu'elles sont sujets de l'une ou l'autre des parties contractantes, devront être mises immédiatement en liberté.

                                                       VII.

Si quelque Navire Portugais, poursuivi par l'ennemi, vient à se réfugier dans un des ports des Domaines d'Alger, ou sous ses forteresses, les habitants défendront ledit navire et ne permettront  pas  qu'il lui soit fait aucun dommage. De la même façon si une embarcation portugaise venait à se trouver avec une embarcation ennemie dans les ports d'Alger, et qu'elle veuille appareiller vers sa destination, il ne sera  permis à son ennemi de sortir du port que  vingt-quatre heures après son départ. Il sera pratiqué de la même façon dans les ports Portugais pour les Embarcations Algériennes.

                                                       VIII.

Si quelque embarcation portugaise venait par malheur à faire naufrage ou à s'échouer sur les côtes des domaines d'Alger, le gouverneur et les habitants de ce district devront traiter l'Equipage avec une totale humanité, ne pas lui porter préjudice ni permettre que quelque chose lui soit dérobé, et bien au contraire lui prêteront toute l'aide possible pour pouvoir sauver la-dite embarcation avec sa cargaison et tout ce qui serait possible,  ce même équipage ne devant pas être obligé de payer autre chose que le salaire ou les appointements journaliers des personnes qui auraient été employées pour cela. La même considération sera portée à toute embarcation algérienne qui par malheur viendrait à faire naufrage sur les côtes du Portugal.

                                                           IX.

Les sujets du Portugal pourront commercer dans les Ports des Etats d'Alger du même mode, et avec les mêmes prérogatives et payant les mêmes Droits que ceux stipulés pour les Anglais. Les sujets Algériens paieront aux Portugal des Droits égaux à ceux qu'y paient les  Anglais.

                                                            X.

Le Consul du  Portugal établi dans les domaines d'Alger sera réputé comme tel et considéré au même titre que le Consul Britannique, et pourra  avoir dans sa maison, ainsi que ses domestiques et tous les autres qui le voudraient, pratiquer le libre exercice de sa Religion. Le même Consul pourra juger tous les contentieux et questions survenant entre sujets Portugais, sans qu'en ceci puissent s'entremettre des Juges de la Région, ou quelque autre autorité; sauf s'il s'agit d'une question entre Portugais et Maure, parce que dans ce cas elle devra être jugée par le Gouverneur de la Région en présence de ce même Consul.

                                                              XI.

Le-dit Consul et ses fonctionnaires ne pourront être obligés à payer aucune dette contractée par des Sujets Portugais, à l'exception du cas où il se seraient engagés par écrit et signature de leur main.

                                                              XII.

Si quelque Portugais vient à mourir sur les domaines d'Alger, tous ses biens seront confiés au Consul du Portugal afin d'être par lui remis aux héritiers dudit défunt.                   

                                                              XIII.

Toute contravention au présent traité survenant de la part de Sujets du Portugal ou de Sujets d'Alger, ledit  Traité de Paix établi entre les deux Nations ne sera pas pour autant dissous; mais à l'examen de l'origine d'un tel événement, il sera donné due satisfaction à la partie offensée.

                                                              XIV.

Au cas où la guerre serait déclarée entre les deux Hautes Parties Contractantes (Dieu ne le permette), il ne sera pas lancé d'hostilités de part et d'autre avant que six mois ne se soient écoulés après ladite Déclaration. Dans cet intervalle, le Consul du Portugal et les sujets de ce même Royaume se retireront avec tous leurs biens; de même que les Sujets Algériens pouvant se trouver au Portugal vers leur pays sans qu'il  leur soit fait  le moindre embarras.

                                                                XV.

Toute autre chose non spécifiée dans les précédents articles sera réglée par les Articles de Paix établis entre S. Majesté Britannique et la Régence d'Alger.

                                                                XVI.

Et pour que ce Traité soit solide et durable, les deux Hautes Parties Contractantes acceptent pour Médiateur et Garant de son observance le Roi de Grande-Bretagne; sur la Foi de la signature de Mr a Court, envoyé extraordinaire et  Ministre Plénipotentiaire de la Cour de Londres conjointement avec les Envoyés du Portugal, et de ceci seront tirées deux Copies, une pour le Souverain dudit Royaume du Portugal et une autre pour rester en pouvoir de son Consul résident à Alger.

                                            Etabli et écrit à Alger le 14 Juin 1813.
                   (Correspondant au 15  Jumada Et-Tani  1228 de l'Hégire)

(Suivent les noms des signataires déjà mentionnés dans le prambule)

(1) Administration
(2) Le texte portugais écrit vassaux. Peut-être doit-on comprendre "sujets et tributaires" .
(3) Dans le texte arabe Qaraçin
(4)  Pour ennemi, le texte arabe écrit 'adw (ennemi) mais aussi gheir as-sulh ou gheir mu'ahada
     (non partiies à un accord de paix ou à un pacte)
(5) Le texte arabe écrit captif  "Athir"


Publié dans Histoire

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