LIBYE UN AUTRE REGARD
Beaucoup de questions derrière les pantalonnades de BHL et l'ardeur guerrière de son nouvel ami Bonaparte au petit pied
L'empressement de la France à reconnaître le Conseil national de transition libyen et son soutien politique et militaire apporté à cet organe auto-proclamé, composé notamment de transfuges du régime de Kadhafi, dont son ex-ministre de la justice Mustafa Muhamed Abdeljalil est une ingérence politico-militaire manifeste dans les affaires intérieures d'un état souverain. Et cela .sous couvert d'une résolution de l'ONU faite sur mesure qui n'a convaincu que le Paris et Londres et suscite bien des réserves dans le monde et notamment en Europe (* ) .
Le seul objectif franchement affiché de cette coalition est d'en finir avec le leader historique libyen. Pour le reste il s'agirait de protéger des populations alors que ce à quoi on assiste actuellement est un conflit armé mené par un mouvement dissident, sans nier pour autant que la population civile a subi une dure répression du régime de Tripoli.
Contrairement à ce quoi on a assisté en Tunisie et en Egypte, le mouvement d'opposition libyen venu essentiellement de Benghazi n'a pas eu le caractère populaire spontané qu'on a voulu décrire iici et là. Il faut savoir que Benghazi a depuis longtemps été un foyer d'opposition politique et islamiste au régime du colonel et est reconnu comme un vivier du djihadisme recrutant pour l'Irak et l'Afghanistan notamment.
La chasse à courre lancée cor sonnant par Sarkozy et les pantalonnades de BHL n'émeuvent pas l'opinion Française, trop occupée de politique pré-présidentielle et acquise à l'exécration du colonel Kadhafi présenté comme le parangon de ce que l'Afrique a produit de pire en matière de despotes au long de son histoire post-coloniale.
Je ne nierai pas le despotisme du colonel ni ses actions terroristes , mais le minimum de probité et de sérieux historique est de ne pas effacer le reste de son histoire. Je rappellerai seulement les progrès accomplis dans l'éducation avec pour résultat un taux d'alphabétisation parmi les plus élevés du monde arabe, la scolarité mixte obligatoire jusqu'à 16 ans, admission des jeunes filles dans les universités, où elle son majoritaires, leur mariage repoussé à l'âge de 20 ans au lieu de 16. La primauté de la loi civile sur le droit religieux. Le rétablissement de la femme libyenne dans sa condition de citoyenne de plein droit et sa dignité est un autre fait à son actif
À cet égard, sur le plan religieux, rappelons son rejet de toute la somme des écrits post-coraniques générateurs de la sclérose de la pensée islamique, pour leur substituer l'interprétation personnelle (Ijtihad) du texte en fonction du temps présent. Ce point lui valu d'être l'objet de fatwas dénonciatrices de la part des oulémas obscurantistes.
Pensons à son projet de fleuve artificiel gigantesque en cours avancé de réalisation et pourquoi pas à son invention des "comités populaires" en tant que fondement de l'état, qui aurait pu faire de la Libye un exemple inédit si le "guide" n'avait pas étouffé le tout sous son pouvoir personnel.
Personnage complexe s'il en est , il mérite sans doute la condamnation mais pas la caricature.
Mais le plus important est encore de chercher à savoir quels desseins ténébreux et intérêts économiques ou stratégiques se cachent derrière ces hostilités.
* BHL, dans son Bloc Note, qualifie de "culs de plomb de la diplomatie de salon" ceux-là qui nourrissent des réserves quant à cette intervention armée. Le philosophe des plateaux TV ne se pose pas tant de questions. Il se pose en prophète; Il proclame ou nie savec véhémence sans recourir à la démonstration. On s'interroge sur les membres du Conseil de transition; et bien qu'on aille donc (comme moi) les voir à Benghazi au lieu de faire la fine bouche, nous dit-il. Qu'importe qui ils sont et feront , la seule chose qui compte c'est abattre Kadhafi et puisque pour des raisons stratégiques on n'imagine pas d'opérations similaires en Syrie, au Bahrein ou au Yémen, et bien le sort du colonel servira d'exemple en attendant mieux. C'est ce que BHL appelle "la dissuasion par Kadhafi", en quelque sorte un châtiment mythique, leçon universelle donnée à tous les aspirants despotes.