LIBYE, LA MYSTIFICATION
On veut la peau de Kadhafi.
Trop ambitieux en Afrique aux yeux de certains?
Il est clair aujourd'hui que l'objectif de l'intervention militaire engagée par l'OTAN en Libye à l'initiative de la France n'a jamais été de protéger la population de Benghazi d'un massacre dont les dirigeants occidentaux se soucient peu, mais bien de soutenir militairement un mouvement de rébellion armée résolu à renverser le colonel Kadhafi.
En reconnaissant quasi-spontanément le commandement de cette rébellion et en participant activement à cette opération militaire, la France est doublement coupable d'ingérence dans les affaires intérieures d'un pays souverain. Il est bien connu que Benghazi est depuis longtemps le bastion d'une opposition active politique et islamique (*) au régime de Kadhafi et n'en est pas à sa première tentative de coup d'état. Cette attitude de Paris devrait être dénoncée chez nous, mais l'opinion publique et les médias dans leur très grande majorité sont aveuglés par leur détestation du colonel. Celui-ci est sans doute détestable , mais il ne faut pas que cette détestation oblitère une nécessaire analyse objective des faits.
L'expression d'un mécontentement populaire comme les frustrations d'une jeunesse moderne, ouverte sur l'extérieur, dans la suite des événements de Tunis et du Caire, n'en est pas moins une réalité indéniable qu'il convient de saluer en honorant ceux qui y ont perdu la vie..
Le fait que la reconnaissance par Paris du Conseil national de transition auto-proclamé aux contours et objectifs obscurs et auquel de sont joints des transfuges de l'entourage du leader libyen ait été décidé sur une recommandation de Bernard-Henri Levy relève plus de la farce grand-guignolesque que de la politique étrangère. Le leader libyen avait promis dit-on de faire un bain de sang à Benghazi. Ce sont des mots et non un fait. En revanche chez les Assad, on ne dit pas. On fait. Que n'est-il allé à Deraa, la-bas, en Syrie, notre philosophe ou du moins prétendu tel. Une chose est certaine. Personne ne s'avisera d'attaquer militairement la Syrie ni de punir son leader.
S'il est exact que des frappes aériennes contre un immeuble du gouvernement à Tripoli ont provoqué la mort du plus jeune fils du colonel et de trois de ses petits- fils , ce sera une preuve supplémentaire de la nature de l'intervention armée de la France et de l'OTAN. Le bureau du colonel avait déjà été l'objet d'une frappe quelques jours plus tôt.
Or, la plupart des observateurs avisés estiment que Kadhafi écarté, la Libye sera vouée au chaos, compte tenu de sa structure tribale aux traditions pluri-centenaires et établie sur des alliances forcément temporaires . De plus la démocratie, telle que les occidentaux la conçoivent ne s'exporte pas. Il a fallu près d'un siècle pour construire celle de la France, la plus souvent donnée en exemple. En revanche une chose est certaine, l'intégrisme musulman reviendra en force en Libye comme il est en train de le faire en Tunisie et en Egypte.
Alors donc, pourquoi la France veut-elle se débarrasser de Kadhafi ? Je m'aventurerai à penser qu'elle veut mettre un terme à l'influence et aux prétentions politiques et économiques du leader libyen en Afrique, où, déçu par le panarabisme, il a choisi de s'impliquer depuis plusieurs années.
*) Le Groupe des partisans de Dieu et le mouvement islamique des Martyrs ont tenté d’assassiner Kadhafi en 1996. Ils rejettent tout compromis avec les opposants laïcs et considèrent que la démocratie est incompatible avec la sociéré libyenne. Il y a aussi des oulémas qui prêchent un Islam rétrograde et ont condamné la position religieuse réformiste du leader libyen.