SARKOZY, AUBRY, BAYROU

Triomphe illusoire  et  revers salutaires

Il est clair que l'UMP interprète les résultats des élections pour le Parlement européen comme un plébiscite  en faveur de Sarkozy. Il fallait s'y attendre et quelques journaux, par complicité ou légèreté, ont dès le lendemain parlé de "triomphe de Sarkozy".











  La "Grosse-tête": "Trop petit pour moi" !

Si on y regarde de plus près et, à moins de considérer que les abstentionnistes ne sont pas des Français, c'est un électeur sur dix qui a apporté sa voix aux listes de la sarkomajorité. Parler alors de triomphe c'est faire preuve d'idiotie ou de mauvaise foi.

Il n'en reste pas moins que fort de ce subterfuge notre illusionniste en chef, dont l'habileté politique n'est plus à démontrer, va s'employer à adopter un discours social pour mordre sur le terrain de la gauche de gouvernement moribonde tout en continuant parallèlement et par petites touches à détruire notre modèle de société humaniste et porter atteinte à nos institutions fondées sur l'égalité dans le plein exercice de nos libertés et droits  essentiels et sur la solidarité.

C'est pourquoi j'ai été déçu que François Bayrou, manifestement désemparé par son échec, ait donné l'impression de vouloir faire amende honorable après s'être engagé dans la voie d'une opposition déterminée au locataire de l'Elysée. Son livre "Abus de pouvoir" (Lien: BAYROU VERSUS SARKOZY ... ) contient des accusations précises   sous-entendant même dans certains cas un exercice illégitime du pouvoir. Ces dénonciations, telles que je les ai considérées dans leur gravité, ne pouvaient être que les prémisses d'un combat à  poursuivre avec détermination, faute de quoi le livre ne serait plus d'aucune utilité et devrait être  relégué au rang des faits anecdotiques. En revanche, son revers lui permettra de connaître ses vrais amis pour se mettre à nouveau en marche.

Le revers subi par Bayrou et celui encore plus retentissant du Parti Socialiste de Mme Aubry sont salutaires dans la mesure où ils appellent à une réflexion nationale en vue d'une recompostion radicale de l'espace politique français. Le PS dont j'ai plusieurs fois évoqué la décomposition sur ce blog, paye l'erreur de ne pas avoir tiré les conclusions de la défaite électorale de Ségolène Royale, défaite essentiellement due au sabotage de sa campagne par les "éléphants" d'un parti réduit à un conglomérat d'ambitions  antagonistes, mais  due aussi au refus par François Bayrou de la main que lui avait tendue la candidate socialiste. Après ce désastre, de 2007, j'ai comme beaucoup d'autres considéré que le PS aurait du s'auto-dissoudre pour mieux se reconstruire avec sa candidate. Il  faut aujourd'hui constater que le parti a perdu deux ans dans des querelles internes stériles. De la pure inconscience!

Il faut reconstruire la démocratie. Partant du principe que l'utopie, si elle n'est pas une fin en soi, est une nécessaire inspiratrice, j'imagine un vaste mouvement populaire rassemblant dans l'esprit fondateur de nos institutions républicaines  laïques toutes les forces résolues à défendre et développer notre modèle humaniste de société et notre indépendance nationale. Les clivages traditionnels étant aujourd'hui à cet égard obsolètes, une dynamique fondée sur une telle base pourrait s'étendre des communistes et socialistes sincères, et en passant par les "Verts", jusqu'à ceux qui comme François Bayrou se reconnaissent dans l'esprit du mouvement chrétien-social résolument laïque du "Sillon" de Marc Sangnier (1).
Un tel mouvement devrait oeuvrer pour la reconstruction de notre système représentatif qui se traduit actuellement par une simple délégation de pouvoir  si ce n'est un blanc-seing, à des députés proposés exclusivement par les organisations politiques. il faut, comme le préconisait Ségolène Royal dans sa campagne, créer une démocratie participative dans laquelle les citoyens sont des agents à part entière, à savoir des éléments actifs au sein de comités,  forums populaires et mouvements associatifs ayant droit de regard sur l'activité des élus. (lien: RÉINVENTER LA DEMOCRATIE )

Evidemment, une telle "révolution" exige des hommes politiques abnégation individuelle et ambition collective, chose rare aujourd'hui. (2)

1) Créé en 1894, "Le Sillon" s'inspire de l'encyclique Rerum Novarum de Léon XIII prônant un ralliement de l'Eglise à la société. Dès 1904, sous l'impulsion de Marc Sangnier, le mouvement oeuvre pour une république démocratique laïque sans pour autant renier son inspiration religieuse.

2) Il est évident que Sarkozy, ses inspirateurs et sectateurs n'ont pas leur place dans un tel projet. Ce n'est pas ici de l'anti-sarkozysme primaire c'est de l'anti-sarkozysme politique fondé sur les faits.  Sarkozy, prétendument triomphe; aussi voudrais-je citer à son intention comme à celle des ambitieux de tous bords l'un des propos d'Alain sur les pouvoirs: "(...) En politique, la gloire est le salaire de l'injustice (...) Si tu ne mêles pas (dans tes discours) quelques marques claires de ton mépris pour l'électeur ignorant et pour  la petite mare dont les grenouilles t'ont pris pour roi, on attendra que tu trahisses. Alors, comme par magie, ton nom ira de journal en journal (...) Les femmes brillantes viendront comme à théâtre pour t'entendre (...)" .