UN ÉGYPTIEN À PARIS (52)
Sous Charles-X et Louis-Philippe
Après la victoire, l'épuration (lien)
Louis-Philippe d'Orléans venait d'être intronisé Roi des Français. Charles-X de Bourbon, destitué, avait pris le chemin de l'exil avec sa famille. Quel sort devait être alors réservé aux ministres du roi déchu jugés complices de son coup d'état constitutionnel qui fut le détonateur de l'insurrection populaire des 28, 29 et 30 juillet 1830, journées dites des "Trois Glorieuses"? (1)
Le cheikh Rifaat at-Tahtaoui raconte: "Sachez qu'après l'insurrection, les Français se mirent activement à la recherche des ministres responsables de tous ces événements. Conformément aux lois en effet, les ministres doivent répondre de tout désordre survenant dans le royaume. Ils en sont comptables outre le roi. Leur talent ou dispositions n'entrent pas en ligne de compte, mais porteurs de lourds desseins, leur tâche est rude et sur eux pèse la responsabilité de tout ce qui se produit.
Un prince déguisé en valet

Le prince Jules de Polignac
"Ordre fut diffusé sur toutes les routes du Pays, de mettre la main sur ces ministres s'ils venaient à passer. Quatre d'entre eux furent ainsi arrêtés, dont le Premier ministre Polignac. Celui-ci fut découvert alors qu'il tentait de sortir de France se faisant passer pour le valet d'une dame de haute condition (2). Reconnu, il fut appréhendé et placé sous la protection de la garde présente sur la route, de peur que la population ne lui fasse un mauvais sort.
"La chambre des pairs, à Paris, fut informée de l'arrestation de Polignac. Celui-ci, écrivit une lettre au bureau de la chambre, affirmant qu'en sa qualité de pair son arrestation n'avait pas lieu d'être. Il invoquait l'article 34 de la Charte qui stipule qu'un pair ne peut être arrêté que par décision de la chambre, seule en outre autorisée à le juger en matière criminelle. Pour toute réponse la chambre lui fit savoir qu'elle avait pris connaisssance de sa lettre, en avait délibéré et conclu qu'il était permis de l'arrêter et de l'emprisonner en l'attente de son jugement. Il fut emmené à Vincennes et incarcéré dans la forteresse de cette ville, située près de Paris.
"Trois autres ministres furent arrêtés et emprisonnés ensemble sans qu'aucun d'entre eux n'eût à subir la moindre humiliation pendant tout le temps de leur incarcération (3).
"Pendant ce temps, un large espace fut aménagé à leur intention dans l'enceinte de la chambre des pairs pour qu'ils y entendent l'acte d'accusation les concernant. C'était un enclos solide, fortement charpenté, de dimension imposante, conçu à la fois pour les protéger de tout éventuel assaut des citoyens qui voudraient les mettre à mal et pour empêcher leurs amis de tenter de les libérer. Des sommes considérables furent investies dans cette entreprise (4).
Éloge de la civilisation et de la justice françaises
"Les ministres furent amenés et confinés dans cet endroit tous les jours que dura ce procès, événement des plus considérables auquel il ait été été donné à quiconque d'assister. Pour illustrer de façon éclatante le degré de civilisation des Français et le sens de la justice de cette nation (5) je vous invite à lire ce qui suit:
"Sachez que le nouveau roi des Français dès qu'il eût été intronisé résolut de destituer soixante-dix membres de la chambre des pairs nommés par Charles-X et de procéder à la nomination de personnaltés à sa convenance (6). Si ces pairs étaient demeurés à la chambre, ils eussent été enclins à la partialité en faveur des ministres. La majorité des membres de la chambre des pairs était hostile aux accusés, mais malgré cela, leur attachement à la Loi, leur vertu et leur refus naturel de l'injustice eurent pour conséquence de sauver la vie des ministres incriminés.
" Plus étonnant encore, sachez qu'après son arrestation, le premier ministre Polignac voulut choisir pour assurer sa défense une personnalité experte en matière juridique. Or, il porta son dévolu sur Martignac un ministre précédemment destitué et avec lequel il n'entrenait aucun rapport ni aucune amitié (7). Ce Martignac s'acquitta de cette mission avec une loyauté absolue mettant à profit toutes ses connaissances afin de rejeter les charges portées contre son mandataire. Il en alla ainsi de chacun des autres ministres et de leurs avocats respectifs.

Le vicomte de Martignac
"A l'ouverture du procès on procéda avec la plus grande courtoisie et délicatesse à un interrogatoire personnel tel que: quel est votre nom, votre qualité, votre fonction votre rang? Les intéressés se prêtèrent avec amabilité à ces questions bien que leurs réponses en fussent connues d'avance.
"On demanda à chacun des accusés: confirmez-vous avoir signé de votre main au bas des ordonnances du roi? (réponse) Oui. Pourquoi l'avez-vous fait ? (réponse) parce que c'était la volonté du roi. Et pourquoi le roi l'a-t-il voulu et, dans ce cas, l'avait-il prémédité depuis longtemps ou résolu sur l'instant? Je ne peux par principe révéler les secrets du cabinet royal , répondait chacun d'entre eux , manifestant le plus haut respect pour le roi destitué. Aucun d'entre eux ne viola le secret et personne ne tenta de les y contraindre.
"Les interrogatoires achevés et leur compte-rendu rédigé, les avocats de la défense intervinrent pendant plusieurs jours pour tenter de démontrer que les ministres étaient innocents (des crimes qui leur étaient reprochés) et (leurs actions) dictées par de bonnes intentions.
Arrêt appuyé sur la notion de "mort civile"
"La chambre examina ensuite toutes les causes et rendit le jugement suivant: Attendu que les ministres ont signé de leur main au bas des ordonnances contraires à la Loi du royaume et porté atteinte à l'inviolabilité des lois, la chambre les condamne à la détention perpétuelle, les déchoit de leur rang honorifique et de leurs tîtres. Outre cela, Polignac est condamné à la "mort judiciaire" (8), ce qui équivaut à le rayer du monde des vivants pour le restant de ses jours. Cela s'appelle en Français une condamnation à la "mort civile" (9) en conséquence de laquelle la condition du vivant est identique à celle du mort dans la plupart des situations.
"Le condamné à la mort civile se voit dépouillé de tous ses biens, lesquels reviennent à ses héritiers comme s'il était réellement mort. Il ne peut hériter de quiconque ni transmettre par héritage des biens acquis par la suite. Il ne peut disposer de ses biens tant en partie que dans leur totalité que ce soit sous forme de don ou testament. Il ne peut recevoir ni don ni legs si ce n'est pour sa subsistance. Il ne peut être investi d'aucune autorité ou mandat ni témoigner en justice. Il ne peut recourir en justice ni contracter mariage. De plus (si il est marié) son mariage est dissous avec toutes les dispositions qu'il comporte et il appartient à son épouse et à ses enfants de disposer de ses biens et d'eux-mêmes comme s'il était décédé réellement. En somme, il est un vivant rattaché aux morts.
Or, habituellement, tout condamné à la mort civile faisant, comme ce ministre, partie du monde des notables, pourvu d'enfants bien éduqués, reprenait le cours de sa vie telle qu'elle était avant sa condamnation. Sa famille, estimait que tout n'était que le fruit d'une pure hostilité. Son épouse ne le quittait pas, se considérant au fond d'elle-même sous sa tutelle, et si elle enfantait de lui à nouveau, les frères du nouveau-né en faisaient leur héritier; tout cela au mépris des dispositions de la loi sur la mort civile.
Colère du peuple scandalisé devant tant d'indulgence
Ayant connaissance de cette réalité, la population se dressa pour réclamer une condamnation à mort réelle (10) . Les autorités de l'Etat firent savoir au peuple que c'était incompatible avec son exigence de liberté, de justice et d'équité. Elles précisèrent que le texte de la loi ne déterminait pas le type de peine applicable aux ministres en cas de trahison et qu'en l'occurrence, la chambre avait jugé dans l'interprétation du cas d'espèce.
Après qu'on leur eût communiqué les termes de leur condamnation, les ministres furent conduits sous escorte au fort de Vincennes où ils furent emprisonnés avant d'être emmenés jusqu'à une autre forteresse où ils sont jusqu'à ce jour emprisonnés (11).
Leur jugement, dans sa forme, témoigne de la beauté des moeurs de la nation française." (12)
1) Ce sont le Prince de Polignac, président du Conseil, Jean de Chantelauze, garde de sceaux, le comte de Peyronnet, ministre de l'Intérieur, et le comte de Guernon-Ranville, ministre de l'instruction publique.
2) Il s'agit de la marquise Lepeletier de Saint-Fargeaux, native de Paris et habitant Montereau. Elle avait pris un passeport à Caen le 10 août pour elle-même et un domestique avec l'intention de s'embarquer pour Jersey. L'arrestation eut lieu le 16 août à Granville. Le prince de Polignac fut "garroté et conduit à la rison de la ville où il passa la nuit". (doc. d'époque édité à Lyon)
3) Ce n'est pas vraiment exact. Ils furent l'objet d'insultes et de menaces de mort de la part de certains gardes nationaux
4) Il s'agit vraisemblablement d'un box spécialement renforcé compte tenu du fait que les séances de la Chambre, au palais du Luxembourg, étaient publiques et l'assistance fort menaçante. Je n'ai pas trouvé mention d'un tel dispositif dans les documents historiques. Ceux-ci mentionnent en revanche un dispositif sécuritaire impressionnant au fort de Vincennes.
5) Cet éloge est presque mot pour mot identique à celui que prononça le rapporteur de la commission d'accusation de la Chambre des députés, m. Béranger: "Quel autre que ce peuple de Paris, Êlite de la France; a prouvé une civilisaton plus avancée? Quel autre a montré qu'il savait discerner la justice de la vengeance..."
6) 175 membres de la chambre des pairs, qui avaient refusé de faire allégeance à Louis-Philippe furent en réalité destitués.
7) Le vicomte de Martignac avait accepté de défendre Polignac bien que celui-ci eût contribué à l'évincer du pouvoir en 1829. Ministre de l'Intérieur faisant fonction de président du conseil, ce libéral avait aboli la censure et s'était montré hostile aux "ordonnances scélérates".
8) Tahtaoui utilise le mot arabe "hukmi" dérivé de la racine HKM qui recouvre le sens de jugement.
9) Tahtaoui écrit en Arabe "mawt madani" . La mort civile consiste pour une personne en l'extinction légalement prononcée de sa personnalité juridique, ce qui comporte une privation générale des droits. La personne est réputée ne plus exister, bien qu'elle soit vivante physiquement. Il s'agit donc d'une fiction juridique. Cette peine fut abolie en France en 1850 pour les condamnés politiques et totalement en 1854. On admirera la précision de l'analyse qu'en fait le cheikh Tahtaoui.
10) on assista en réalité à de très violentes manifestations populaires aux abords du palais du Luxembourg qui étaient protégés par la garde nationale aux ordres de Lafayette.
11) la peine du prince de Polignac fut commuée par mesure de grâce en vingt années de bannissement hors de France le 23 novembre 1836. Il mourut à Paris en 1847.
12) Commencé le 15 décembre, le procès dura six jours. Tahtaoui omet de dire que la Chambre des députés, après avoir voté la mise en accusation des quatre personnalités le 27 septembre, avait pris le 8 octobre une résolution proposant au Roi l'abolition de la peine de mort, une aubaine pour lui, qui voulait l'apaisement.
Louis-Philippe d'Orléans venait d'être intronisé Roi des Français. Charles-X de Bourbon, destitué, avait pris le chemin de l'exil avec sa famille. Quel sort devait être alors réservé aux ministres du roi déchu jugés complices de son coup d'état constitutionnel qui fut le détonateur de l'insurrection populaire des 28, 29 et 30 juillet 1830, journées dites des "Trois Glorieuses"? (1)
Le cheikh Rifaat at-Tahtaoui raconte: "Sachez qu'après l'insurrection, les Français se mirent activement à la recherche des ministres responsables de tous ces événements. Conformément aux lois en effet, les ministres doivent répondre de tout désordre survenant dans le royaume. Ils en sont comptables outre le roi. Leur talent ou dispositions n'entrent pas en ligne de compte, mais porteurs de lourds desseins, leur tâche est rude et sur eux pèse la responsabilité de tout ce qui se produit.
Un prince déguisé en valet

Le prince Jules de Polignac
"Ordre fut diffusé sur toutes les routes du Pays, de mettre la main sur ces ministres s'ils venaient à passer. Quatre d'entre eux furent ainsi arrêtés, dont le Premier ministre Polignac. Celui-ci fut découvert alors qu'il tentait de sortir de France se faisant passer pour le valet d'une dame de haute condition (2). Reconnu, il fut appréhendé et placé sous la protection de la garde présente sur la route, de peur que la population ne lui fasse un mauvais sort.
"La chambre des pairs, à Paris, fut informée de l'arrestation de Polignac. Celui-ci, écrivit une lettre au bureau de la chambre, affirmant qu'en sa qualité de pair son arrestation n'avait pas lieu d'être. Il invoquait l'article 34 de la Charte qui stipule qu'un pair ne peut être arrêté que par décision de la chambre, seule en outre autorisée à le juger en matière criminelle. Pour toute réponse la chambre lui fit savoir qu'elle avait pris connaisssance de sa lettre, en avait délibéré et conclu qu'il était permis de l'arrêter et de l'emprisonner en l'attente de son jugement. Il fut emmené à Vincennes et incarcéré dans la forteresse de cette ville, située près de Paris.
"Trois autres ministres furent arrêtés et emprisonnés ensemble sans qu'aucun d'entre eux n'eût à subir la moindre humiliation pendant tout le temps de leur incarcération (3).
"Pendant ce temps, un large espace fut aménagé à leur intention dans l'enceinte de la chambre des pairs pour qu'ils y entendent l'acte d'accusation les concernant. C'était un enclos solide, fortement charpenté, de dimension imposante, conçu à la fois pour les protéger de tout éventuel assaut des citoyens qui voudraient les mettre à mal et pour empêcher leurs amis de tenter de les libérer. Des sommes considérables furent investies dans cette entreprise (4).
Éloge de la civilisation et de la justice françaises
"Les ministres furent amenés et confinés dans cet endroit tous les jours que dura ce procès, événement des plus considérables auquel il ait été été donné à quiconque d'assister. Pour illustrer de façon éclatante le degré de civilisation des Français et le sens de la justice de cette nation (5) je vous invite à lire ce qui suit:
"Sachez que le nouveau roi des Français dès qu'il eût été intronisé résolut de destituer soixante-dix membres de la chambre des pairs nommés par Charles-X et de procéder à la nomination de personnaltés à sa convenance (6). Si ces pairs étaient demeurés à la chambre, ils eussent été enclins à la partialité en faveur des ministres. La majorité des membres de la chambre des pairs était hostile aux accusés, mais malgré cela, leur attachement à la Loi, leur vertu et leur refus naturel de l'injustice eurent pour conséquence de sauver la vie des ministres incriminés.
" Plus étonnant encore, sachez qu'après son arrestation, le premier ministre Polignac voulut choisir pour assurer sa défense une personnalité experte en matière juridique. Or, il porta son dévolu sur Martignac un ministre précédemment destitué et avec lequel il n'entrenait aucun rapport ni aucune amitié (7). Ce Martignac s'acquitta de cette mission avec une loyauté absolue mettant à profit toutes ses connaissances afin de rejeter les charges portées contre son mandataire. Il en alla ainsi de chacun des autres ministres et de leurs avocats respectifs.

Le vicomte de Martignac
"A l'ouverture du procès on procéda avec la plus grande courtoisie et délicatesse à un interrogatoire personnel tel que: quel est votre nom, votre qualité, votre fonction votre rang? Les intéressés se prêtèrent avec amabilité à ces questions bien que leurs réponses en fussent connues d'avance.
"On demanda à chacun des accusés: confirmez-vous avoir signé de votre main au bas des ordonnances du roi? (réponse) Oui. Pourquoi l'avez-vous fait ? (réponse) parce que c'était la volonté du roi. Et pourquoi le roi l'a-t-il voulu et, dans ce cas, l'avait-il prémédité depuis longtemps ou résolu sur l'instant? Je ne peux par principe révéler les secrets du cabinet royal , répondait chacun d'entre eux , manifestant le plus haut respect pour le roi destitué. Aucun d'entre eux ne viola le secret et personne ne tenta de les y contraindre.
"Les interrogatoires achevés et leur compte-rendu rédigé, les avocats de la défense intervinrent pendant plusieurs jours pour tenter de démontrer que les ministres étaient innocents (des crimes qui leur étaient reprochés) et (leurs actions) dictées par de bonnes intentions.
Arrêt appuyé sur la notion de "mort civile"
"La chambre examina ensuite toutes les causes et rendit le jugement suivant: Attendu que les ministres ont signé de leur main au bas des ordonnances contraires à la Loi du royaume et porté atteinte à l'inviolabilité des lois, la chambre les condamne à la détention perpétuelle, les déchoit de leur rang honorifique et de leurs tîtres. Outre cela, Polignac est condamné à la "mort judiciaire" (8), ce qui équivaut à le rayer du monde des vivants pour le restant de ses jours. Cela s'appelle en Français une condamnation à la "mort civile" (9) en conséquence de laquelle la condition du vivant est identique à celle du mort dans la plupart des situations.
"Le condamné à la mort civile se voit dépouillé de tous ses biens, lesquels reviennent à ses héritiers comme s'il était réellement mort. Il ne peut hériter de quiconque ni transmettre par héritage des biens acquis par la suite. Il ne peut disposer de ses biens tant en partie que dans leur totalité que ce soit sous forme de don ou testament. Il ne peut recevoir ni don ni legs si ce n'est pour sa subsistance. Il ne peut être investi d'aucune autorité ou mandat ni témoigner en justice. Il ne peut recourir en justice ni contracter mariage. De plus (si il est marié) son mariage est dissous avec toutes les dispositions qu'il comporte et il appartient à son épouse et à ses enfants de disposer de ses biens et d'eux-mêmes comme s'il était décédé réellement. En somme, il est un vivant rattaché aux morts.
Or, habituellement, tout condamné à la mort civile faisant, comme ce ministre, partie du monde des notables, pourvu d'enfants bien éduqués, reprenait le cours de sa vie telle qu'elle était avant sa condamnation. Sa famille, estimait que tout n'était que le fruit d'une pure hostilité. Son épouse ne le quittait pas, se considérant au fond d'elle-même sous sa tutelle, et si elle enfantait de lui à nouveau, les frères du nouveau-né en faisaient leur héritier; tout cela au mépris des dispositions de la loi sur la mort civile.
Colère du peuple scandalisé devant tant d'indulgence
Ayant connaissance de cette réalité, la population se dressa pour réclamer une condamnation à mort réelle (10) . Les autorités de l'Etat firent savoir au peuple que c'était incompatible avec son exigence de liberté, de justice et d'équité. Elles précisèrent que le texte de la loi ne déterminait pas le type de peine applicable aux ministres en cas de trahison et qu'en l'occurrence, la chambre avait jugé dans l'interprétation du cas d'espèce.
Après qu'on leur eût communiqué les termes de leur condamnation, les ministres furent conduits sous escorte au fort de Vincennes où ils furent emprisonnés avant d'être emmenés jusqu'à une autre forteresse où ils sont jusqu'à ce jour emprisonnés (11).
Leur jugement, dans sa forme, témoigne de la beauté des moeurs de la nation française." (12)
1) Ce sont le Prince de Polignac, président du Conseil, Jean de Chantelauze, garde de sceaux, le comte de Peyronnet, ministre de l'Intérieur, et le comte de Guernon-Ranville, ministre de l'instruction publique.
2) Il s'agit de la marquise Lepeletier de Saint-Fargeaux, native de Paris et habitant Montereau. Elle avait pris un passeport à Caen le 10 août pour elle-même et un domestique avec l'intention de s'embarquer pour Jersey. L'arrestation eut lieu le 16 août à Granville. Le prince de Polignac fut "garroté et conduit à la rison de la ville où il passa la nuit". (doc. d'époque édité à Lyon)
3) Ce n'est pas vraiment exact. Ils furent l'objet d'insultes et de menaces de mort de la part de certains gardes nationaux
4) Il s'agit vraisemblablement d'un box spécialement renforcé compte tenu du fait que les séances de la Chambre, au palais du Luxembourg, étaient publiques et l'assistance fort menaçante. Je n'ai pas trouvé mention d'un tel dispositif dans les documents historiques. Ceux-ci mentionnent en revanche un dispositif sécuritaire impressionnant au fort de Vincennes.
5) Cet éloge est presque mot pour mot identique à celui que prononça le rapporteur de la commission d'accusation de la Chambre des députés, m. Béranger: "Quel autre que ce peuple de Paris, Êlite de la France; a prouvé une civilisaton plus avancée? Quel autre a montré qu'il savait discerner la justice de la vengeance..."
6) 175 membres de la chambre des pairs, qui avaient refusé de faire allégeance à Louis-Philippe furent en réalité destitués.
7) Le vicomte de Martignac avait accepté de défendre Polignac bien que celui-ci eût contribué à l'évincer du pouvoir en 1829. Ministre de l'Intérieur faisant fonction de président du conseil, ce libéral avait aboli la censure et s'était montré hostile aux "ordonnances scélérates".
8) Tahtaoui utilise le mot arabe "hukmi" dérivé de la racine HKM qui recouvre le sens de jugement.
9) Tahtaoui écrit en Arabe "mawt madani" . La mort civile consiste pour une personne en l'extinction légalement prononcée de sa personnalité juridique, ce qui comporte une privation générale des droits. La personne est réputée ne plus exister, bien qu'elle soit vivante physiquement. Il s'agit donc d'une fiction juridique. Cette peine fut abolie en France en 1850 pour les condamnés politiques et totalement en 1854. On admirera la précision de l'analyse qu'en fait le cheikh Tahtaoui.
10) on assista en réalité à de très violentes manifestations populaires aux abords du palais du Luxembourg qui étaient protégés par la garde nationale aux ordres de Lafayette.
11) la peine du prince de Polignac fut commuée par mesure de grâce en vingt années de bannissement hors de France le 23 novembre 1836. Il mourut à Paris en 1847.
12) Commencé le 15 décembre, le procès dura six jours. Tahtaoui omet de dire que la Chambre des députés, après avoir voté la mise en accusation des quatre personnalités le 27 septembre, avait pris le 8 octobre une résolution proposant au Roi l'abolition de la peine de mort, une aubaine pour lui, qui voulait l'apaisement.