UN EGYPTIEN À PARIS (51)

Publié le par Yaqzan


Sous Charles-X et Louis-Philippe

Les représentants du peuple avaient donc choisi le Duc Louis-Philippe d'Orléans pour succéder à Charles-X de Bourbon, contraint d'abdiquer et de s'exiler à la suite des journées d'émeutes populaires des 28, 29 et 30 Juillet 1830, dites des "Trois Glorieuses". (lien)

Il l'avaient choisi pour être "Roi des Français" par la volonté  du peuple et non Roi de France de droit divin comme ses prédecesseurs. En même temps le drapeau tricolore était réhabilité. (1)

La date de l'intronisation de Louis-Philippe avait été fixé au 9 août. Le cheikh Rifaat at-Tahtaoui poursuit son récit:

"Le jour dit, il (le duc d'Orléans) arriva à la chambre des députés à l'heure prévue accompagné d'un imposant  cortège mais sans suite ni garde royale, contrairement au cérémonial habituel. La foule saluait chacun de ses pas d'acclamations et de vivas, criant: Dieu garde le duc d'Orléans! Dieu garde le roi! (2).

"A son entrée, il monta sur une estrade à proximité du trône et salua à trois reprises les membres de l'assemblée puis son fils ainé et son cadet s'asséyèrent sur un banc devant le trône le premier à  droite et le second à gauche. Derrière lui, se tenaient quatre dignitaires militaires appelés maréchaux,  pluriel de maréchal, le plus haut rang dans la hiérarchie militaire de la nation française. Ce tître est toujours suivi de la mention 'de France'. Ainsi dit-on 'maréchal de France'. A noter qu'en Français, 'de'  indique l'appartenance à l'instar de notre 'lam' en Arabe. (3)
 













Prestation de serment de Louis-Philippe devant les Chambres

Tableau d'Eugène Devéria (photo RMN)


"S'étant assis, il invita les membres  de l'assemblée, pairs et députés, à s'asseoir; puis demanda au président de lui lire les conclusions de la proclamation par laquelle les membres des deux chambres lui proposaient l'investiture royale. Cette lecture achevée, le duc déclara: 'Messieurs, j'ai écouté avec attention la proclamation de vos deux chambres . J'en ai pesé et  minutieusement considéré les termes et je déclare accepter sans conditions ni remarques toutes les dispositions du texte ainsi que le titre de roi des Français que vous m'avez attribué.  Et me voici prêt à en faire le serment solennel.

"Il se leva, tête nue, leva la main droite et, d'une voix juste, harmonieuse et ferme, avec une élocution sans accrocs, déclara: "Par devant Dieu -qu'il soit exalté et glorifié- (4) je m'engage à préserver fidèlement  la charte du royaume y compris les rectifications qui y ont été apportées selon les  termes de la proclamation mentionnée ci-avant, comme je m'engage à ne gouverner que conformément aux lois écrites et selon la procédure. Je garantis à chacun l'exercice de son droit comme il est établi par la loi et à toujours oeuvrer selon ce qu'exigent l'intérêt du peuple Français, son bonheur et sa gloire". (5)

"Il monta alors sur le trône royal et déclara: "Messieurs, j'ai prêté à l'instant un serment solennel sans ignorer les devoirs qu'il m'impose dans toute leur importance et leur étendue. Ma conscience me dicte d'y être fidèle et j'affirme n'avoir reçu votre allégeance que de mon plein gré. J'étais résolu à ne jamais accepter le trône que la Nation française m'offfrait mais lorsque j'ai constaté l'état de la France, blessée dans ses libertés, l'affliction du peuple et les atteintes portées aux lois du Royaume, le menant aux portes du désordre, j'ai compris qu'il fallait rétablir la légalité. La tâche en incombait aux chambres des pairs et des députés , compétence dont je les ai assurés de mon total respect. Les modifications que nous avons apportées à la Charte imposent la sécurité pour l'avenir. Ainsi, la France vivra-t-elle confiante à  l'intérieur et respectée à l'extérieur, et la  paix en Europe en sera raffermie".

"Lorsque s'acheva son discours, les voix s'élevèrent criant "Dieu garde le Roi Louis-Philippe 1er" . Celui-ci salua l'assemblée et sortit serrant les mains des uns et des autres puis il enfourcha son cheval, saluant la foule, à gauche et à droite. Et Il aurait, dit-on,  donné l'accolade à   de nombreuses personnes.

"Les citadins et les membres de la garde, dite Garde Nationale, lui firent un cortège enthousiaste et, la nuit venue, Paris s'illumina de flambeaux énormes. C'était le 7 août 1830 de l'ère chrétienne (6)."

1) Il fut appelé "roi citoyen" comme cela avait été le cas de Louis XVI, lorsque celui-ci dût prêter serment de fidélité à la Nation et à  la Constitution  en 1791, après sa tentative de fuite et son arrestation à Varennes. Louis-Philippe, dernier des monarques français, fut le seul  à ne pas avoir reçu le sacre. Aussi fut-il l'objet de quolibets de la part des monarchies europénnes qui le qualifièrent  de "roi bourgeois". Louis-Philippe, choisi par les députés au nom du peuple, fut en réalité placé sur le trône d'une "monarchie parlementaire élective" le choix n'ayant jamais été soumis au vote des citoyens, contrairement à ce qui avait été prévu.
2) Tahtaoui ne dis pas un mot des cris hostiles lancés à cette occasion contre le duc d'Orléans par les Répubicains et les Bonapartistes déçus de voir la victoire des "Trois Glorieuses" confisquée par les représentants de la bourgeoisie libérale avec la complaisance de Lafayette. Le vieux héros s'était dérobé alors qu'on lui proposait la présidence d'une république restaurée. Il n'avait pas envie d'assumer la charge du pouvoir. Le silence de Tahtaoui s'explique peut-être par sa déférence naturelle à l'égard de l'autorité, ou une certaine sympathie pour le nouveau monarque, transparaissant dans son récit.
3) Tahtaoui s'adresse à ses lecteurs égyptiens.
4) Formule  de toute évidence ajouté d'instinct par ce musulman fidèle qu'était le cheikh Rifa‘at.
5) Selon l'essentiel des modifications apportées à la charte, la religion catholique n'est plus religion d'État mais seulement « professée par la majorité des Français ». La censure de la presse est abolie. Le cens électoral est fixée par la loi, permettant  ainsi un élargissement de l'électorat. le roi ne peut plus légiférer par ordonnance pour raison de sécurité de  l'État. Les Chambres ont comme le roi l'initiative des lois.  Enfin, le  drapeau tricolore est inscrit dans la Charte.
6) Tahtaoui fait une erreur de date. Le 7 août est celle de la proclamation des Chambres. La prestation de serment eut lieu le 9 août. L'erreur est peut-être le fait d'un copiste.

Publié dans Histoire

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