Réhabiliter le mot "Nègre"
Pour en finir avec l'hypocrisie
Je sais que je prends un gros risque en m'aventurant à écrire cet article tant les passions sont exacerbées sur un tel sujet. Ma démarche n'a d'autre rapport avec l'affaire Guerlain que l'association d'idées qui me donne l'occasion de m'exprimer sur un problème me tenant à coeur depuis longtemps.
Aimé Césaire et Lépold Sédar Saenghor chantres de la négritude
Les débats passionnels sur le racisme, l'esclavage, la colonisation, le racisme à rebours et la repentance ont contribué à provoquer, chez les uns le ressentiment et chez les autres une certaine mauvaise conscience qui a conduit à une auto-censure puis à la censure tout court du vocabulaire servant à désigner l'autre, celui qui est différent de soi par telle ou telle autre caractéristique. C'est ainsi qu'aujourd'hui il est interdit à quiconque n'est pas nègre d'utiliser le mot nègre pour désigner celui qui l'est. Le mot "désigner" prenant dans ce cas le sens de "discriminer" et le mot nègre une valeur péjorative.
Je suis pour ma part convaincu de l'innocence des mots. Ainsi à mon sens le mot nègre , anodin en soi, ne devient péjoratif que par l'usage malveillant qui en est fait par le locuteur raciste.
Alors ,pour la bonne conscience, on a remplacé le mot nègre par le mot noir pourtant moins noble puisque plus éloigné de la souche latine commune niger . Cela ne semble pas avoir eu l'effet escompté puisqu'on lui substitue aujourd'hui le mot black, qui serait d'autant moins compromettant qu'il est étranger.
Mais comme je l'ai dit plus haut tout cela ne servira à rien puisque ce n'est pas le mot qui compte mais l'état d'esprit de celui qui le prononce. Je me demande quel nouveau mot il nous faudra imaginer lorsque black aura été à son tour discrédité, ce qui, me semble-t-il, est en voie de se produire. Faudra-t-il, pendant qu'on y est, supprimer le mot nègre pour désigner celui qui écrit un bouquin pour le compte de quelqu'un qui n'a pas le don de l'écriture. Faudra-t-il débaptiser le Cap-Nègre et demander aux nombreuses personnes portant le nom de Nègre ou Nègrel de changer de patronyme. Ensuite devra-t-on se sentir mal à l'aise lorsque l'on dit: "Il ne faut pas voir tout en noir" ou "C'est clair comme une bataille de nègres dans un tunnel"?
Tout cela est ridicule et j'en veux pour preuve que dans la Créole antillais (que je m'honore de parler bien que blanc non originaire des ïles) , le mot nègre, qui se dit "nèg" et signifie également "Homme", est couramment employé, y compris dans des expressions comme "woulé con neg é bèf" ( travailler comme nègre et boeuf) ou "si sa fèt, bon diè sé on neg" (Si ça réussit alors le bon Dieu c'est un nègre).
Enfin faut-il rappeler que Léopold Sédar Senghor et Aimé Césaire ont inventé le mot et le concept de Négritude pour affirmer et exalter l'identité qu'ils partageaient avec leur frères de couleur.
Pour ceux qui voudrait déceler quelque malice raciste dans mon propos, je m'autorise très exceptionnellement à préciser que mon épouse est noire et mes enfants métisses et que nous formons par symbiose un ensemble familial dans lequel chacun d'entre nous se sent à la fois nègre et blanc.
Je me permets de proposer ce lien vers un article de mon blog traitant du sujet et dans lequel j'évoque notamment l'exemple brésilien. (lien) Esclavage, colonisation, racisme, histoire, repentance