Minarets, clochers, identité nationale

Publié le par Yaqzan


La boite de Pandore est grand ouverte

Invité surprise au débat douteux  engagé en France sur l'identité nationale à l'initiative du gouvernement, le vote des Suisses interdisant l'édification de minarets sur leur  territoire ne manquera pas d'attiser chez nous les tensions déjà latentes.

La boussole de Sarkozy aurait-elle perdu le Nord?

Irresponsabilité, impudence, provocation ou lapsus freudien révélateur;  en justifiant le vote de nos voisins helvétiques par leur volonté de sauvegarder, comme les Français,  leur identité nationale, Nicolas Sarkozy  a ouvert une brèche dans laquelle ne manqueront pas de s'engouffrer les intégristes ou extrémistes de tous bords religieux ou idéologiques y compris laïques, les uns pour élargir leur audience en dénonçant l'islamophobie, les autres pour laisser libre cours à leur xénophobie ou à leur radicalisme idéologique

Confondant ses fonctions de chef de l'état avec celles de chef de parti, Sarkozy s'exprimait devant des membres du "Club de la Boussole", qui réunit des représentants des divers courants cohabitant au sein de l'UMP.  Il faut croitre que l'aiguille de cette fameuse boussole, à savoir Sarkozy lui-même, a perdu le Nord. Bien réglée elle pointerait à coup sur sa flêche vers la porte de l'Elysée, direction "la sortie".

Une question d'urbanisme

Deuxième religion en France après le Christianisme par le nombre de ses fidèles, l'Islam, dans notre société laïque régie par la loi de 1905, a  le droit incontestable de construire les mosquées nécessaires au libre exercice de son culte, avec ou sans minaret. La construction d'une mosquée comme celle d'une église est subordonnée à l'obtention d'un permis de construire délivré par l'autorité municipale qui juge de  l'adéquation de l'architecture envisagée avec l'environnement urbain choisi. Le mot mosquée vient de l'Arabe masjid, qui signifie lieu de la prosternation, c'est-à-dire lieu de la prière. C'est en fait plus précisément le lieu de la grande prière du vendredi, le croyant pouvant les autres jours prier chez lui ou en quelque autre endroit privé. Le minaret (mi'dhan en Arabe) , signifie lieu d'ou l'on lance l'appel à la prière (adhan), tâche incombant au muezzin (en Arabe mu'adhdhin) mais c'est surtout un élément architectural à valeur aujourd'hui symbolique permettant d'identifier l'édifice.(1)

Clochers et minarets même combat

Mais les partisans de l'interdiction des minarets veulent à l'évidence mettre en cause l'appel à la prière. Et  ils ne manqueront pas d'arguments. Ils pourront non seulement invoquer le fait  que l'adhan pourrait être considéré par le voisinage comme une nuisance sonore mais aussi , répondant par avance à qui voudrait mettre en parallèle la question des sonneries de cloches des églises, ils pourront facilement faire valoir que ces sonneries  sont un simple avertissement sonore d'origine mécanique à usage public autant que religieux alors que l'adhan est une profession de foi émanant  d'une voix humaine audible et compréhensible dans l'espace public, ce qui, à l'évidence, constitue une atteinte à la règle laïque. (2)

D'autres, qu'on ne pourra contredire, rappelleront que l'Arabie Saoudite ne  tolère aucun autre culte que l'Islam sur son territoire, que la sonnerie des cloches a été maintes fois interdite au cours des siècles dans le Monde islamique pendant des périodes d'intolérance ou enfin que jusqu'à aujourd'hui encore,  des obstacles quasiment insurmontables sont opposés à la construction ou restauration des églises en Egypte, ce qui a maintes fois et récemment encore provoqué des conflits sanglants entre les communautés copte et musulmane.

Nécessité d'un consensus

S'arrêter à un tel constat équivaudrait à fermer les yeux sur la nouvelle réalité sociologique  multiculturelle incontournable de notre pays et favoriser l'éclosion de conflits dont seuls les extrémistes de tous bords tireront profit puisque le désordre sert naturellement leurs causes.

Rappelons que depuis la loi de 1905 sur la séparation de l'Eglise et de l'État, la question des sonneries de cloches ou des processions religieuses dans l'espace public est gérée conjointement et consensuellement par l'autorité publique en la personne du maire et l'autorité religieuse en la personne du curé. Cela n'a toutefois pas empêché l'émergence de quelques conflits ponctuels. Or, ceux-ci ont pratiquement toujours été tranchés par le Conseil d'Etat en faveur de l'autorité reigieuse au nom précisément de la loi de 1905 qui garantit le libre exercice du culte. A noter que l'Organisation Européenne des Droits de l'Homme incline dans le même sens.

C''est cette même voie du consensus qu'il faut défricher avec les représentants des Communautés musulmanes de France. La chose n'est pas aisée compte tenu de la diversité des courants, de l'absence d'une autorité unique et de la sous-représentation de l'immense majorité silencieuse des fidèles dits "sans histoire". Tout cela est  au profit du miltantisme intégriste à vocation politique ou bien encore d'un courant d'aspect rassurant qui oeuvre sans faire de bruit mais diligemment et en profondeur en faveur d'une islamisation croissante des comportements et rapports sociaux. M. Tarek Ramadan en est sans doute le meilleur exemple.

Mais puisqu'on a choisi de débattre sur le sujet impalpable de l'Identité française au lieu d'agir, il faudra bien qu'on nous présente des conclusions. Il s'agit d'une gageure. Alors gageons que nos débatteurs noieront le poisson.

1) L'appel à la prière, fixé dans son énoncé avec quelques variantes selon les rites, n'est pas une obligation mais une tradition (sunna) et n'exclut pas des aménagements dans son exécution. Il peut être lancé d'un toît ou à l'entrée du lieu de culte comme du haut d'un minaret. L'Islam fait remonter la tradition de l'appel à la prière au Prophète lui-même, qui avait choisi pour premier muezzin de l'histoire de l'Islam un noir Abyssin du nom de Bilal.
2) La formule la plus courante, prononcée en Arabe  -y compris dans les pays musulmans non-arabophones- est: "Dieu est le plus grand" (quatre fois). Je témoigne qu'il n'y a pas de divinité hormis Dieu" (deux fois). Je témoigne que Muhammad est l'envoyé de Dieu" (deux fois). Venez à la prière (deux fois). "Venez à la prospérité" (deux fois). Dieu est le plus grand (deux fois). "Il n'y a pas de divinité hormis Dieu" (une fois).

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