LE MARRONNIER DE LA COLÈRE
Entre les petits déjeuners du Plaza-Athénée et les Restos du Coeur
Dans le langage de la presse un marronnier est un événement qui revient chaque année à la même période et dont le journaliste doit impérativement rendre compte. Il le fait généralement d'une année sur l'autre dans les mêmes termes. C'est, au printemps ou à l'automne, la menace d'avalanches, au début de l'été, l'état des plages et les risques de noyade et puis, quelques mois plus tard, l'arrivée du Beaujolais nouveau et plus tard encore les préparatifs des fêtes de fin d'année.
Celui que j'appelle le "marronnier de la colère" s'impose à l'approche de l'hiver avec l'arrivée des grands froids. Ce marronnier-là doit être révisé chaque année. Le journaliste ne peut se contenter d'un copier-coller de celui de l'année précédente car la situation qu'il décrit ne cesse d'empirer au fil des ans. C'est le marronnier où il est question du sans logis mort de froid durant la nuit et dont on trouve le cadavre au petit matin sur un trottoir. C'est l'ouverture des Restos du Coeur et des centres du secours populaire et autre secours catholique.
Coluche, le fondateur des Restos du Coeur, souhaitait que ceux-ci disparaissent le plus tôt possible, entendant par là qu'un jour viendrait sans doute où qu'il n'y aurait plus de misère à soulager. Hélas ce n'est pas le cas bien au contraire. La misère croît à mesure que s'enrichit la Fouquet's Sarko high Society. Les patrons du CAC-40 petit-déjeûnent au Plaza Athénée en compagnie d'Alain Minc , nous raconte "Le Point" , tandis que le chômage et la pauvreté croissante des travailleurs précaires s'étendent à mesure qu'augmentent les dividendes de leurs actionnaires.
Scènes du XIXème siècle à Paris
Cette situation est une tache d'infamie sur la face de notre société prétendument démocratique lorsque les dirigeants de l'état abandonnent à la charité publique l'exercice de leur devoir élémentaire d'assistance aux moins favorisés de leurs concitoyens.
Plus encore que la défense des retraites, une telle ignominie ne mériterait-elle pas que le peuple descende dans la rue pour faire entendre sa colère et exiger une remise en cause radicale des pouvoirs de décision monopolisés par la classe politique. Celle-ci, y compris dans certains secteurs de l'opposition, persiste à nous chanter la rengaine de la mondialisation et des menaces de d'expatriation d'entreprises pour justifier, au nom d'un prétendu réalisme, sa politique de régression sociale et cajoler la grosse finance improductive. Il est vrai qu'avec un conseiller comme m. Minc qui prétend que les inégalités sociales sont un moteur de croissance, on ne peut rien attendre de bon du locataire de l'Élysée.
Je suis persuadé que les responsables et les bénévoles des Restos du Coeur et des autres organisations de secours populaire et mouvements associatifs constituent la matrice d'un vaste réseau de participation démocratique citoyenne pour exiger que les élus respectent le pacte social. Il faut descendre dans la rue et utiliser tous les moyens de pression possibles pour y parvenir. Il faut exiger avec force la mise en application du droit au référendum d'initiative populaire et à la pétition.
Je suis également persuadé que les travailleurs salariés peuvent être partie prenante à la gestion de leurs entreprises, comme le suggère Arnaud Montebourg. Rappelons aussi l'idée de démocratie participative lancée en 2007 par Ségolène Royal et dont beaucoup de politiciens y compris dans son parti se sont gaussés comme s'il s'agissait d'une foucade farfelue.
Force est de constater que dans l'état actuel de notre pays, l'exercice de la démocratie se limite au rituel du vote, qui n'est qu'une délégation de pouvoir à des professionnels de la politique sans garantie de contrôle entre les échéances électorales. Ce n'est pas cela la démocratie sauf à oublier son sens étymologique, à savoir le pouvoir du peuple.
"Les malheureux sont les puissances de la terre ; ils ont le droit de parler en maîtres aux gouvernements qui les négligent". (saint-Just)