A propos de "ANATOMIE D'UN TYRAN" de Alexandre Najjar

Publié le par Yaqzan



Une biographe de Mouammar el-Kadhafi en forme de pamphlet

Alexandre Najjar publie chez Actes Sud, sous le titre "Anatomie d'un Tyran" un ouvrage présenté comme une biographie du colonel Kadhafi, aujourd'hui traqué par une coalition armée dans laquelle la France, indubitablement incitatrice de l'action militaire engagée, se place en position de pointe.

Cet ouvrage, qui s'appuie sur un riche appareil documentaire journalistique et bibliographique, fait , dans son exposé, un usage immodéré de qualificatifs condamnatoires ou railleurs qui condamnent à n'être qu'un pamphlet excessif au risque d'être insignifiant, ce qui aurait pu constituer un honnête ouvrage scientifique ou même simplement journalistique. Ces deux dernières pratiques interdisent, on le sait, de mêler l'exposé des faits et le commentaire ou l'appréciation personnelles.

La plupart des chapitres de cet ouvrage commencent par l'évocation de Caligula, Néron, Idi Amine Dada, Hitler ou Mussolini en guise d'introduction à un exposé des faits, ou plutôt méfaits du colonel, "grotesque", "sanguinaire","fou", bourré de "lubies". Le "la" est donné et tout ce que le colonel aura pu dire ou faire d'anodin ou même partant d'un intention louable sera discrédité, raillé, mis sur le compte des fameuses "lubies" propres à tous les tyrans désignés plus haut. Je ne pense pas que ce soit là la meilleure manière de présenter le personnage ni même de le condamner comme cela est à l'évidence l'intention de l'auteur du livre.

Je citerai à ce propos le passage où A. Najjar cite Kadhafi disant que la femme est un être humain comme l'homme et doit par conséquent être traitée comme son égale. Curieusement, pour l'auteur, ce n'est là qu'une "lapalissade" .

Dans le domaine des "lubies", nous avons un véritable festival. Passons sur la décision du colonel de changer le nom des mois (la révolution française ne l'a-t-elle pas fait? et n'existe-t-il pas dans le monde d'autres calendriers que les Julien et grégorien?). Kadhafi affirme que Shakespeare était d'origne arabe, son nom provenant de "Cheikh Zubayr". De même, l'Amérique aurait été découverte par les Arabes et son nom viendrait d'un certain "Amir Ka" (1).  Démocratie viendrait de l'arabe "démo" qui voudrait dire foule (sic) et "crassi", qui signifie siège (2). Que le colonel propose un état commun aux juifs et aux Palestiniens qui se nommerait "Isratine" voilà qui déclenche l'hilarité de l'auteur. Personnellement j'ajouterai car j'en ai été témoin que dans les années 80, Kadhafi avait décidé que les véhicules Peugeot (prononcé "bijo" par les arabophones) devraient désormais s'appeler "hamama" (pigeon) .

M. Najjar aurait donc raison, les lubies de Kadhafi seraient une preuve de sa démence ou des accès de folie douce. En réalité, j'accuse cet auteur de se payer la tête de ses lecteurs en tentant de leur faire croire que Kadhafi  était convaincu de la véracité de ses dires alors qu'évidemment, il s'offrait une fantaisie en toute conscience de son incongruité; "pour amuser la galerie",  pourrait-on dire.

D'autre part, Najjar considère comme une preuve de son extravagance le fait que Kadhafi puisse affirmer que la grande ville déshumanise l'individu.Il n'y a pourtant là rien d'absurde et l'idée peut donner lieu très sérieusement à un débat philosophque ou sociologique..

Enfin, j'en arrive au plus grave. L'auteur raille Kadhafi pour avoir affirmer que le Christ 'a jamais été crucifié et que les évangiles ont été  falsifiés par le Chrétiens . Je m'étonne qu'un intellectuel d'origine arabe, ignore, même s'il n'est pas Musulman, que cette affirmation figure dans le Coran et fait partie du corpus théologique de l'islam orthodoxe.

Alexandre Najjar, disposant de la riche documentation mentionnée dans l'édition de son livre, aurait pu nous produire un ouvrage de référence. Il en a fait un  regrettable gâchis.

 

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Kadhafi à 'Élysée en 2007

 

Je retiendrai à la décharge de l'auteur son dernier chapitre intiulé  "Jeux de princes" dans lequel est mis en doute le caractère purement humanitaire de l'ingérence française et ou est évoquée l'hypothèse d'une action des services français dans le déclenchement des événements de Benghazi. J'apprécie également sa conclusion qui place l'affaire libyenne dans son contexte international et évoque notamment les questions posées par la notion mal définie d'un droit d'ingérence internationale et notamment son application sélective.

Pour en finir, je m'interroge. Pourquoi publier cet ouvrage aujourd'hui alors que Kadhafi est traqué et non pas en 2007 lorsque sarkozy faisait dérouler pour lui le tapis rouge de l'Élysée, provoquant l'indignation de la ministre Rama Yade.

1) Les spécialistes de l'Espagne musulmane s'accordent sur le fait que les pilotes des navires de l'époque étaient pour la plupart arabe, sinon tous, et notamment celui de Christophe Colomb.
2) A ma connaissance demo n'existe pas en Arabe. Karassi en revanche signifie chaise au pluriel. J'ai connu un Algérien qui croyait dur commefer que la Nouvelle-Calédonie avait été découverte par le célèbre inventeur arabe de la sociologie Ibn Khaldoun.

Publié dans Politique

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P
<br /> Peut être pouvez vous aller voir :<br /> Sarkozy, combien d'enfants as-tu tués cette nuit ?<br /> by Investig'Action - Michel Collon<br /> J'essaie de donner le lien :<br /> <br /> http://b.vimeocdn.com/ps/224/981/2249814_300.jpg<br /> Tragiquement intéressant.<br /> <br /> <br />
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Y
<br /> <br /> Je vois que Michel Collon et moi faisons les mêmes analyses. Vous aussi sans doute.<br /> <br /> <br /> <br />
P
<br /> Il y a probablement quelques sous a se faire...<br /> Mais que penser de l'étonnement des occidentaux-libéraux devant l'obstination de pays comme la Russie, la Chine, l'Afrique du sud<br /> à refuser toute sanction contre le président Syrien ? Ils ont du se sentir floués par l'application de leur décision concernant la Libye !<br /> Petite question à d'éventuelles juristes. Les pilotes de la coalition ne peuvent-ils pas être poursuivis par la justice internationale dans la mesure ou les objectifs de leurs interventions,<br /> bombardements, ne correspondent pas à ceux définis dans la résolution de l'ONU ???<br /> <br /> <br />
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Y
<br /> <br /> Comme je le suggère, l'ingérence s'exerce ici ou là en fonction des intérêts de ceux qui s'y livrent. Kadhafi avait refusé les "rafales" de Sarko et en plus il  a pas mal de fric à se faire<br /> en Libye avec ceux qu'on  aura placé à la place du colonel. Quant aux ntérêts en jeu en Syrie, ils sont énormes pur les pays de la régions: Turquie, Iran, Israël et au delà la Russie.<br /> <br /> <br /> <br />