NIQAB, HiDJAB, SEXUALITÉ
Entre psychanalyse et anthropologie
À Ceux qui débatttent de la question du port de la burqa, ou plus exactement du niqab, par certaines musulmanes, je conseillerais la lecture de l'ouvrage de Fatna Ait Sabbah intitulé "La Femme dans l'Inconscient Musulman". Au simple titre d'information, ce livre pourrait leur permettre de démonter les rouages du mécanisme mental qui conduit certains musulmans à imposer aux femmes cet appareil vestimentaire (1).
L'auteur y expose l'image de la Femme, "Objet sexuel" (2), dans les sociétés musulmanes. Elle s'appuie, d'une part, sur les textes fondamentaux de l'orthodoxie religieuse, à savoir le Coran, ses principaux commentaires et la tradition prophétique (Sunna -faits et dires du Prophète), qui constituent l'appareil de la jurisprudence islamique, et d'autre part, les textes érotiques classiques, très largement diffusés depuis des siècles jusqu'à aujourd'hui dans les pays arabo-musulmans.
Ces textes érotiques, sont à proprement parler des traités ou manuels d'érotologie revêtant un caractère religieux dans leur prétention à guider le croyant dans sa recherche d'une satisfaction sexuelle légitime pleinement accomplie. Le plus célèbre de ces traités, intitulé "Le Jardin Parfumé ou les Loisirs de l'Esprit" écrit au début du XVI-ème siècle à la demande du Bey de Tunis par un cheikh tunisien nommé Mohamed Nafzaoui, a connu jusqu'à aujourd'hui une fortune extraordinaire. On l'achète à très bas prix dans les souks et jusqu'aux portes des mosquées du Maghreb et autres pays arabes. (3)
Bien que se situant sur des plans différents, le discours orthodoxe et le discours érotique, dans leur parallélisme pluri-séculaire, nourrissent conjointement l'inconscient masculin. Cette cohabitation est très importante compte tenu du caractère exacerbé du discours érotique, qui place le coït, pleinement accompli et multiplié à l'envie, au centre des préoccupations féminines, induisant du même coup une psychose de l'échec sexuel masculin éventuel. Et ce d'autant plus que la femme y est assimilée, selon l'expression de Fatna Ait Sabbah, à une "crevasse ventouse" toujours prête à aspirer le phallus le plus propre à la combler, avec référence récurrente à l'organe asinien. Ces manuels proposent généralement une pharmacopée destinée à accroitre la taille et améliorer les performances de l'organe viril dans le but louable d'assurer une conjonction harmonieuse du couple.
La notion centrale présidant à l'imposition de contraintes vestimentaires aux femmes musulmanes est celle de "nudité" ou plus exactement "nudité honteuse" (en Arabe ‘aoura عورة) qu'il convient de couvrir . Le Coran est très peu précis sur la nature de cet appareil vestimentaire. Il se contente d'appeler les croyantes à la pudeur et leur demande de rabattre les pans de leur fichu traditionnel (khimar) sur leur poitrine (pour les distinguer, estiment-on généralement, des femmes serviles ou de basse condition qui allaient les seins nus). (4)
La nature des vêtements féminins adoptés dans le monde musulman sous prétexte d'obligation religieuse relève des coutumes locales et dépend du degré de rigueur des oulémas de l'endroit et du moment. Dans notre monde moderne, le vêtement est parfois imposé par la contrainte masculine ou librement consenti soit pas conviction religieuse soit par ce que c'est tout simplement naturel, "dans l'ordre des choses", ou attachement à une identité culturelle. Cela va du simple foulard couvrant les cheveux (le plus largement répandu et qui ne m'incommode nullement) au niqab ou à la burqa en passant par le hidjab.
L'imposition ou l'acceptation du port du niqab ou de la burqa, recouvrant tout le corps y compris le visage, signifie que la femme, dans sa totalité -y compris pour certains la voix- est considérée comme une "nudité honteuse", une "partie honteuse", avons-nous coutume de dire. Ce vêtement est également le signe d'une adhésion à l'islamisme politique radical.
Quant au hidjab, qui couvre le corps mais laisse le visage découvert, il peut être discret, élégant et même gracieux et sous cet aspect, ne m'incommode pas. Toutefois, le rigorisme outrancier de la mouvance des "Frères Musulmans" veut qu'il soit rendu aussi laid que possible par la grossièreté du tissu et la fadeur des couleurs (5).

Étudiantes cairotes dont deux vêtues
du hidjab "dernier cri" à la fin des
années "80". Voir note nr.5
L'objectif est de dépouiller la femme de tout attrait, la mettre à l'abri de la concupiscence. Selon une réflexion que j'ai entendue d'un intellectuel égyptien éclairé, ce fait peut engendrer un état schizophrénique chez la femme, qui, effacée, asexuée à l'extérieur, peut, une fois rentrée chez elle, se prêter aux exigences sexuelles les plus extravagantes de son mari.
Selon l'orthodoxie musulmane exprimée notamment par le célèbre théologien Al-Ghazali (1058-1111) et citée par Fatna Ait Sabbah, la femme épouse idéale "doit rester dans ses appartements privés, ne pas quitter son fuseau, ne pas multiplier ses montées à la terrasse ni les regards qu'elle peut jeter de la-haut. Elle ne doit échanger que peu de paroles avec ses voisins et ne pas entrer chez eux" .
On voit ainsi que la femme, à laquelle est prêté le double don de l'intelligence et de la ruse (al-kayd) (6) est perçue comme une menace potentielle , subversive de l'ordre patriarcal des sociétés musulmanes.
Cet ordre patriarcal est essentiellement fondé par le fait religieux sur l'autorité que Dieu aurait accordée à l'homme sur la femme et sur l'activité économique qui lui serait exclusivement réservée (7). Or, aujourd'hui, l'émigration, la dégradation des conditions économiques, le chômage des hommes, l'accession progressive des femmes musulmanes au marché du travail mettent à mal le schéma tracé par l'imam Al-Ghazali qui évacuait la femme hors de l'espace public. L'homme se voit ainsi menacé dans son autorité et, partant, dans sa virilité.
1) Éd. le Sycomore 1982. Cet ouvrage m'a servi de schéma directeur pour le développement d'observations personnelles.
2) "Vos femmes sont pour vous un champ de labour. Allez à votre champ comme vous le voudrez..." (Coran II - 23).
3) Éditions Paris-Méditerranée 2003 en Français. الروض العاطر في نزهة الخاطر.
4 )Coran XXIV -31.
5) Dans les années "80", les jeunes filles avaient adopté au Caire un "hidjab" dit "dernier cri" (hegab akher moda), très seyant, assorti d'une jolie tresse frontale et chaussures à talons hauts. Les Oulémas l'avaient très tôt dénoncé comme non conforme à la Sharia (Loi islamique).
6) A propos de Zuleikha la femme de Putiphar , qui avait tenté de séduire son esclave Joseph, le Coran dit: "... Voilà bien une de vos ruses féminines. Votre ruse est énorme..." Or, dans une autre sourate le Coran dit: "...Combattez les suppôts de Satan. Les ruses de Satan sont vraiment faibles". Certains exégètes en ont tout naturellement déduit que la femme ourdit des pièges bien mieux que ne le fait le démon.
7) Le Coran IV -34 dit: "Les hommes ont autorité sur les femmes en vertu de la préférence que Dieu leur a accordée sur elles et à cause des dépenses qu'ils font pour assurer leur entretien".
L'auteur y expose l'image de la Femme, "Objet sexuel" (2), dans les sociétés musulmanes. Elle s'appuie, d'une part, sur les textes fondamentaux de l'orthodoxie religieuse, à savoir le Coran, ses principaux commentaires et la tradition prophétique (Sunna -faits et dires du Prophète), qui constituent l'appareil de la jurisprudence islamique, et d'autre part, les textes érotiques classiques, très largement diffusés depuis des siècles jusqu'à aujourd'hui dans les pays arabo-musulmans.
Ces textes érotiques, sont à proprement parler des traités ou manuels d'érotologie revêtant un caractère religieux dans leur prétention à guider le croyant dans sa recherche d'une satisfaction sexuelle légitime pleinement accomplie. Le plus célèbre de ces traités, intitulé "Le Jardin Parfumé ou les Loisirs de l'Esprit" écrit au début du XVI-ème siècle à la demande du Bey de Tunis par un cheikh tunisien nommé Mohamed Nafzaoui, a connu jusqu'à aujourd'hui une fortune extraordinaire. On l'achète à très bas prix dans les souks et jusqu'aux portes des mosquées du Maghreb et autres pays arabes. (3)
Bien que se situant sur des plans différents, le discours orthodoxe et le discours érotique, dans leur parallélisme pluri-séculaire, nourrissent conjointement l'inconscient masculin. Cette cohabitation est très importante compte tenu du caractère exacerbé du discours érotique, qui place le coït, pleinement accompli et multiplié à l'envie, au centre des préoccupations féminines, induisant du même coup une psychose de l'échec sexuel masculin éventuel. Et ce d'autant plus que la femme y est assimilée, selon l'expression de Fatna Ait Sabbah, à une "crevasse ventouse" toujours prête à aspirer le phallus le plus propre à la combler, avec référence récurrente à l'organe asinien. Ces manuels proposent généralement une pharmacopée destinée à accroitre la taille et améliorer les performances de l'organe viril dans le but louable d'assurer une conjonction harmonieuse du couple.
La notion centrale présidant à l'imposition de contraintes vestimentaires aux femmes musulmanes est celle de "nudité" ou plus exactement "nudité honteuse" (en Arabe ‘aoura عورة) qu'il convient de couvrir . Le Coran est très peu précis sur la nature de cet appareil vestimentaire. Il se contente d'appeler les croyantes à la pudeur et leur demande de rabattre les pans de leur fichu traditionnel (khimar) sur leur poitrine (pour les distinguer, estiment-on généralement, des femmes serviles ou de basse condition qui allaient les seins nus). (4)
La nature des vêtements féminins adoptés dans le monde musulman sous prétexte d'obligation religieuse relève des coutumes locales et dépend du degré de rigueur des oulémas de l'endroit et du moment. Dans notre monde moderne, le vêtement est parfois imposé par la contrainte masculine ou librement consenti soit pas conviction religieuse soit par ce que c'est tout simplement naturel, "dans l'ordre des choses", ou attachement à une identité culturelle. Cela va du simple foulard couvrant les cheveux (le plus largement répandu et qui ne m'incommode nullement) au niqab ou à la burqa en passant par le hidjab.
L'imposition ou l'acceptation du port du niqab ou de la burqa, recouvrant tout le corps y compris le visage, signifie que la femme, dans sa totalité -y compris pour certains la voix- est considérée comme une "nudité honteuse", une "partie honteuse", avons-nous coutume de dire. Ce vêtement est également le signe d'une adhésion à l'islamisme politique radical.
Quant au hidjab, qui couvre le corps mais laisse le visage découvert, il peut être discret, élégant et même gracieux et sous cet aspect, ne m'incommode pas. Toutefois, le rigorisme outrancier de la mouvance des "Frères Musulmans" veut qu'il soit rendu aussi laid que possible par la grossièreté du tissu et la fadeur des couleurs (5).

Étudiantes cairotes dont deux vêtues
du hidjab "dernier cri" à la fin des
années "80". Voir note nr.5
L'objectif est de dépouiller la femme de tout attrait, la mettre à l'abri de la concupiscence. Selon une réflexion que j'ai entendue d'un intellectuel égyptien éclairé, ce fait peut engendrer un état schizophrénique chez la femme, qui, effacée, asexuée à l'extérieur, peut, une fois rentrée chez elle, se prêter aux exigences sexuelles les plus extravagantes de son mari.
Selon l'orthodoxie musulmane exprimée notamment par le célèbre théologien Al-Ghazali (1058-1111) et citée par Fatna Ait Sabbah, la femme épouse idéale "doit rester dans ses appartements privés, ne pas quitter son fuseau, ne pas multiplier ses montées à la terrasse ni les regards qu'elle peut jeter de la-haut. Elle ne doit échanger que peu de paroles avec ses voisins et ne pas entrer chez eux" .
On voit ainsi que la femme, à laquelle est prêté le double don de l'intelligence et de la ruse (al-kayd) (6) est perçue comme une menace potentielle , subversive de l'ordre patriarcal des sociétés musulmanes.
Cet ordre patriarcal est essentiellement fondé par le fait religieux sur l'autorité que Dieu aurait accordée à l'homme sur la femme et sur l'activité économique qui lui serait exclusivement réservée (7). Or, aujourd'hui, l'émigration, la dégradation des conditions économiques, le chômage des hommes, l'accession progressive des femmes musulmanes au marché du travail mettent à mal le schéma tracé par l'imam Al-Ghazali qui évacuait la femme hors de l'espace public. L'homme se voit ainsi menacé dans son autorité et, partant, dans sa virilité.
1) Éd. le Sycomore 1982. Cet ouvrage m'a servi de schéma directeur pour le développement d'observations personnelles.
2) "Vos femmes sont pour vous un champ de labour. Allez à votre champ comme vous le voudrez..." (Coran II - 23).
3) Éditions Paris-Méditerranée 2003 en Français. الروض العاطر في نزهة الخاطر.
4 )Coran XXIV -31.
5) Dans les années "80", les jeunes filles avaient adopté au Caire un "hidjab" dit "dernier cri" (hegab akher moda), très seyant, assorti d'une jolie tresse frontale et chaussures à talons hauts. Les Oulémas l'avaient très tôt dénoncé comme non conforme à la Sharia (Loi islamique).
6) A propos de Zuleikha la femme de Putiphar , qui avait tenté de séduire son esclave Joseph, le Coran dit: "... Voilà bien une de vos ruses féminines. Votre ruse est énorme..." Or, dans une autre sourate le Coran dit: "...Combattez les suppôts de Satan. Les ruses de Satan sont vraiment faibles". Certains exégètes en ont tout naturellement déduit que la femme ourdit des pièges bien mieux que ne le fait le démon.
7) Le Coran IV -34 dit: "Les hommes ont autorité sur les femmes en vertu de la préférence que Dieu leur a accordée sur elles et à cause des dépenses qu'ils font pour assurer leur entretien".