DE LA CAGOULE A LA BURQA
Pusillanimité et états d'âmes
J'ai constaté dans la presse et sur les forums de discussions une tendance dominante à vouloir transporter la question de l'interdiction de la "burqa" sur le terrain des faits religieux et socioculturels.
S'y laisser prendre conduira à ne rien faire compte tenu de la pusillanimité et des états d'âmes de nos responsables politiques qui tremblent devant quelques barbes promptes à intimider. Cela arrangera bien M. Éric Besson, qui estime que l'interdiction de ce vêtement islamique "risquerait de provoquer des tensions". Notre ministre manifeste en l'occurrence plus d'états d'âmes qu'il n'en a montrés lorsqu'il abandonna le navire en naufrage du PS pour rejoindre à nage forcée les rivages de Sarkoland.
Pourtant, comme je l'ai dit dans l'article qui précède celui-ci, la question concerne avant tout l'ordre public en dehors de toute considération religieuse. Pourquoi dire "interdire la cagoule" ou "interdire la burqa". Il suffit de décréter -puisque cela parait nécessaire bien que ce soit l'évidence même- que "le port de tout effet vestimentaire dissimulant le visage ou le visage et la forme du corps, interdisant du même coup l'identification de l'individu, est une infraction à l'ordre public et passible à ce titre de sanctions pénales".

avideditor.wordpress.com Reconstitution de
l'attaque d'une bijouterie à Glasgow en avril
2009 par deux hommes vêtus de "burqa"
La voix de la femme "partie honteuse" ?
Mais je m'adresse ici à ceux sans doute très nombreux qui l'ignorent. Sachez que parmi ceux d'entre les musulmans qui imposent le port de la "burqa", communément appelée "niqab" dans le monde arabo-musulman, beaucoup affirment que la voix même de la femme est une "partie honteuse" (1). En conséquence, il appartiendrait au mari de la Musulmane ou à l'un des ses plus proches parents de sexe masculin chargé de veiller sur sa chasteté (2) de décliner le cas échéant son identité devant l'autorité publique.
Extravagant? Que non! détrompez-vous! Cela est très sérieux. La question est largement débattue parmi les oulémas de la mouvance rigoriste et quiconque sait l'Arabe peut aisément le constater sur les nombreux sites internet islamiques consacrés aux fatwas (avis juridiques islamiques autorisés). Une petite minorité des oulémas est catégorique sur le sujet. Mais les autres, quasi-unanimement, l'admettent implicitement en déclarant que la voix de la femme est un vecteur de séduction. Aussi disent-ils que la Musulmane doit au premier chef s'abstenir d'utiliser un ton suave (genre voix d'aéroport) et limiter sa parole au strict essentiel .
A ce propos je ne peux m'empêcher de vous rapporter l'un des ces traits de l'humour populaire égyptien (nokta) que j'ai entendu au Caire à la fin des années "80" lorsque l'esprit n'y était pas encore totalement anesthésié par le discours islamique obscurantiste omniprésent:
-Ahmed: Devine pourquoi les danseuses du ventre ne chantent pas.
-Mustafa: Euh ... Je donne ma langue au chat.
-Ahmed: Eh! gros béta! C'est parce que la voix de la femme est une partie honteuse.
A propos de l'humour égyptien sur le voile voyez: LA QUESTION DU VOILE
Dans un de ses derniers ouvrages, "Sortir de la Malédiction", l'intellectuel musulman -esprit éclairé s'il en est- Abdelwahab Meddeb (Éditions du Seuil. Janvier 1008) fait état de l'émoi provoqué en Grande-Bretagne par l'expansion du port de la Burqa. Les autorités britanniques, écrit-il, "se sont senties outrées sinon outragées par la disparition de la face, par l'annulation des visages comme critère d'une identité franche sur laquelle se fonderait le respect de l'intégrité du corps; la conquête séculaire de l'habeas corpus n'exige-t-elle pas un visage et un corps visibles, palpables, reconnaissables par l'accord du nom et de la face pour qu'autour de cette clarté fonctionnent l'état civil et le pacte démocratique".
Cet émoi est d'autant plus révélateur que la Grande-Bretagne est connue pour son scrupuleux respect du fait communautaire.
Ne débattons donc pas aujourd'hui sur le terrain religieux. Et si l'on considère toutefois que la mystique transcende les différences religieuses et culturelles, référons-nous au grand penseur mystique andalou Ibn Arabi (1165-1240). Celui-ci, nous rappelle encore Abdelwahab Meddeb, "voyait le signe de Dieu dans le miracle surgi de la face humaine, surtout lorsqu'elle se pare des merveilles qui animent le visage féminin; il remonte ainsi, de visage en visage, de l'humain au divin ( ... )".
Pour terminer, je cède à l'envie de vous rapporter une petite anecdote vécue. Lorsque je travaillais au Caire, une de mes collègues, Égyptienne musulmane, me raconta que ce promenant un jour avec sa petite fille de trois ans, elles vinrent à croiser une femme vêtue du "niqab". La petite fille s'écria: "Maman! J'ai peur! regarde le diable"(3). La vérité ne sort-elle pas de la bouche des enfants? Et tous comptes faits nos adeptes de cet effet vestimentaire pourraient toujours le porter à l'occasion d'Halloween.َ
1) Saout al-mar'a 'Aoura صوت المرأة عورة
2) Mahrem محرم
3) "Ya mama.! Ana Khayfa! Shoufi-l-efrit! يا ماما آنا خائفة شوفي العفرت