UN ÉGYPTIEN À PARIS (37)

Publié le par Yaqzan

Sous Charles-X et Louis-Philippe


Sous l'oeil vigilant du souverain ...

Ou comment sa gracieuse majesté nous incite au travail et à l'effort













             Méhémet Ali Pacha


"Depuis notre départ d'Egypte,  notre souverain (1) nous avait fait l'honneur de nous adresser tous les deux ou trois mois une note officielle (firman)  nous exhortant à la quête assidue des sciences et des arts. Certains de ces firmans étaient de l'ordre de ce que les Ottomans nomment  vivification des coeurs. D'autres relevaient de la réprimande selon ce qui lui était rapporté à tort ou à raison nous concernant (...) 

Mais aujourd'hui, pour que vous sachiez combien il nous encourageait à l'étude, je reproduis ici un de ces firmans qui relève de la vivification des coeurs bien qu'il contienne une certaine part de réprimande:

"... Sachez que nous avons reçu un relevé de vos résultats. Ce catalogue qui rend compte de votre travail sur une durée de trois mois est confus et ne nous permet pas de comprendre ce que vous avez acquis au cours de cette période.  Nous ne  comprenons pas! Alors que vous vous trouvez  dans une ville comme  paris, source des sciences et des arts, le peu que vous avez fait au cours de tout ce temps est pour nous la marque d'un manque de zèle.

"Nous en avons été grandement  affligé alors que nous avions forgé l'espoir que chacun d'entre vous au cours de cette période nous fasse parvenir quelques fruits de son travail et  marques de son talent. Si vous ne troquez pas cette oisiveté contre ardeur, effort et zèle, et revenez en Egypte après la lecture de quelques livres en vos imaginant que vous appris les sciences et les arts, vous faites fausse route.

"Nous avons chez nous, Dieu soit loué, de vos compagnons qui étudient, travaillent et  acquièrent la célébrité. Comment, si vous revenez en Égypte dans la situation  qui est la votre aujourd'hui, pourrez-vous face à eux faire ostentation d'une parfaite connaissance des sciences et des arts.
 
"Il appartient à  chaque homme de réfléchir clairement à la conséquence de ses actes et à toute personne douée de raison de ne pas laisser passer sa chance pour  au contraire cueillir les fruits de sa peine. Ainsi vous négligez de saisir votre chance et  vous vous laissez aller à la sottise sans penser au mal ni  à la peine qu'il vous en coûtera et vous ne luttez pas pour gagner notre estime et notre faveur afin de  vous distinguer d'entre vos semblables. Cela étant, s'il veut gagner notre agrément, aucun d'entre vous ne doit laisser passer une seule minute sans travailler à l'acquisition du savoir.

"Chacun d'entre vous devra chaque mois rendre compte par écrit de son travail du début à la fin en  indiquant le degré qu'il a atteint en géométrie, calcul, dessin et ce qui lui reste à apprendre dans ces matières. Il devra préciser chaque mois les progrès réalisés par rapport au mois précédent.

"Si vous vous sentez incapable de suffisamment d'effort et de zèle faites-nous en savoir par écrit la raison. S'il s'agit d'un manque d'intérêt ou d'un trouble quelconque, cela tient-il à votre nature ou n'est-ce que passager? Bref! informez-nous de votre état tel qu'il est afin que nous puissions comprendre. C'est ce que nous vous demandons. Lisez ce commandement tous ensemble et tâchez de comprendre l'objet de notre vouloir.

"Ce commandement a été enregistré par le Divan d'Égypte (2) au siège de notre Conseil à Alexandrie par la bienfaisance de Dieu -qu'il soit exalté- et lorsqu'il vous parviendra agissez en conformité et évitez d'y contrevenir".

"Fait le 5 Rabi‘ al-Awwal de l'An 1245 de l'Hégire" (4 Septembre 1829)

"Dès lors, nous nous mîmes en devoir d'établir  chaque mois le relevé de ce que nous avions lu et appris. Il était envoyé à notre gracieux souverain après que chacun des professeurs y eût inscrit son nom. S'il arrivait que quelques uns d'entre nous négligent cette obligation, le professeur Jomard (lien: UN ÉGYPTIEN À PARIS (35)  note 6) nous adressait une lettre dans laquelle il commandait aux élèves assidus respectueux de leur devoir de persévérer dans cette attitude et de réprimander les négligents.











   
      

          Edmée-François Jomard


"Voici la copie d'une lettre que le professeur Jomard m'a adressée en ce sens en date du 15 juillet (1830) correspondant au 25 Muharram 1246 (de l'Hégire):

"Très cher ami Cheikh Rifaat. Vous n'ignorez pas le commandement que votre gracieux souverain vous a adressé à propos du compte-rendu mensuel  de  vos études. Demeurez persévérant comme vous l'êtes. Adressez ces relevés le 30 de chaque mois à M. le  muhrdar Effendi (3) et demandez lui des feuilles vierges pour le mois suivant. On sait que l'établissement de ces relevés ne prend qu'une demi-heure puisqu'il s'agit seulement de préciser le nombre et la matière des cours suivis. Le directeur de votre école y inscrira son nom en dessous du votre. Je sais les efforts que vous faites et je n'ignore pas la valeur de vos résultats. Je vous demande de persévérer et vous assure de mon amitié. (signé) E. Jomard, membre du Conseil de l'Institut.

1) Méhémet Ali Pacha, vice-roi d'Egypte.
2) Cabinet royal
3) Le Chancelier Abdi, membre du cabinet royal et principal surveillant des   étudiants égyptiens

Publié dans Histoire

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