UN ÉGYPTIEN À PARIS (34)

Publié le par Yaqzan

Sous Charles-X et Louis-Philippe



À ce stade de son récit, le cheikh Rifaat at-Tahtaoui dresse avec un grande modestie un premier constat de la mission que lui a confiée le vice-roi d'Egypte Méhémet Ali.

"Faire une description détaillée de Paris et de l'état des sciences et des arts qui y sont pratiqués nous était  impossible. Aussi nous sommes-nous limité à en donner une  image générale.

"Nous avons fait porter  nos efforts et notre attention sur les choses nécessaires à la réalisation du projet de notre Souverain Bienfaiteur. Nous avons avec le même soin organisé nos travaux, les consacrant à la lecture, l'écriture et autres choses encore avec tout ce que cela comportait de lourdes  dépenses à la charge de notre Bien Heureux Souverain. Nous avons eu de nombreux échanges épistolaires avec certaines personnalités de l'élite scientifique européenne et, de tout ce que nous avons rapporté de nos observations et lectures, nous concluons que ce ne fut pas chose facile et que quiconque se met en quête du savoir en ces contrées doit affronter force difficultés.

"Un poète a dit:


"Tu prétends  à peu de frais
" Atteindre les sommets
" Or saches qu'avant de goûter du miel la saveur
"Tu devras du dard de l'abeille subir la douleur".


Il est vrai que pour l'Imam Tahtaoui et ses quarante jeunes protégés la tâche  n'était pas aisée. Arrivés en France sans connaître un traître mot de la langue du pays, il leur était demandé d'étudier et rendre compte des sciences, des arts, industries et autres éléments constituants de la culture et de la société française pour en faire profiter leur pays. C'est ce qu'exigeait d'eux leur souverain, résolument déterminé, dans le sillage de l'expédition de Bonaparte, à faire entrer l'Egypte dans la modernité.

Rifaat at-Tahtaoui va donc poursuivre sa relation par le récit de l'apprentissage de la langue française auquel il a dû se soumettre en compagnie de ses étudiants. Pour commencer, il nous fait une description de la méthode en usage dans le pays.


                               Rentrée scolaire autrefois (Petit Journal)

"Les (jeunes) Parisiens apprennent la lecture à  l'aide de livres imprimés de très grosses lettres de façon que la forme de celles-ci s'imprime aisément dans leur esprit. On y montre les lettres de l'alphabet dans leurs différentes combinaisons, puis un certain nombre de mots, noms et verbes.  Ils apprennent ces mots et les prononcent comme il convient de sorte que dès leur jeunesse ils s'expriment dans un langage pur.

"Viennent ensuite des phrases simples, faciles, adaptées au jeune âge de l'élève. Dans les livres que nous avons lus, nous avons trouvé des phrases telles que le cheval a quatre jambes,  l'oiseau n'en a que deux mais il a des ailes qui lui servent à voler et le poisson nage dans l'eau...  choses familières   à l'auditeur et immédiatement compréhensibles. 

"Cela nous rappelle les dires des anciens maîtres de la grammaire arabe  selon lesquels si nous disons  le ciel est au dessus de nous et la terre sous nos pieds, nous n'apportons rien de nouveau au contraire de l'explication d'une situation par le discours syntactique.

"On trouve dans ces livres la description d'animaux connus, en particulier  de ceux qui sont  habituellement les compagnons de jeux des enfants: Les oiseaux petits et grands, les chats etc. Puis ensuite vient un choix d'enseignements sur le comportement de l'enfant à l'égard de ses père et mère, notamment quant à l'obéissance qu'il doit à ceux-ci. Enfin on y trouve quelques éléments choisis de calcul.

"Ces premiers livres refermés, les élèves passent à la lecture de manuels plus importants. Les études sont réparties dans le temps. Ainsi dans la journée, les élèves étudient plusieurs  choses différentes avec les maîtres compétents. Le matin, par exemple, on commencera par l'histoire. Ce sera ensuite la peinture et le dessin  puis  la grammaire française, la géographie, la calligraphie etc."

Soulignant que son souverain, le vice-roi d'Egypte Méhémet Ali avait manifesté l'espoir de le voir rapporter le plus rapidement possible au pays les fruits de sa mission,  l'Imam Rifaat at-Tahtaoui nous raconte que dès leur arrivée à Marseille, lui-même et ses protégés  s'étaient mis sans attendre à apprendre les rudiments  du Français avant de prendre la route de Paris.

Notre fort sympathique  Imam nous contera tout cela par le menu dans le prochain article Inchallah !

Publié dans Histoire

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