UN ÉGYPTIEN À PARIS (22)

Publié le par Yaqzan

l'Assistance publique ...

vue  par l'Imam Rifaat at-Tahtaoui


Hôpitaux et hospices

"Sachez que chez les Francs (les européens) comme dans tous les pays  florissants dotés d'industries, chacun vit du travail de ses mains. Et s'il arrive qu'un événement tel que la maladie  prive un individu de son gagne-pain et le laisse sans autre recours que la mendicité, des hôpitaux et hospices de bienfaisance ont été créés pour l'accueillir et lui éviter d'avoir à tendre la main (1).

"Le développement des industries et l'augmentation de la richesse dans une ville s'accompagne d'un accroissement de sa population qui impose la création d'un nombre croissant d'hôpitaux. Or nous savons que Paris est la ville le pus peuplée. Elle est plus que toute autre florissante et dotée d'industries. C'est pourquoi les hôpitaux et hospices y sont nombreux.

Des citoyens peu charitables

"Ces établissements sont destinés à la bienfaisance et conçus à cet effet. Avec les autres associations charitables, ils comblent le vide créé par la parcimonie et l'avarice des habitants. Comme il nous a été donné de le noter précédemment, ceux-ci sont en effet bien éloignés de la générosité des Arabes et l'on chercherait en vain parmi eux quelqu'un qui puisse incarner comme un symbole l'esprit de générosité. UN EGYPTIEN A PARIS (7)  (1er para)

"On a jamais entendu à propos de leurs rois et de leurs ministres rien qui puisse être comparé à la générosité des califes Abbassides et de leurs vizirs les Barmécides. Et parmi les califes il n'y a jamais eu homme plus généreux que  Al-Mansour. (2)

"Il est vrai que dans les pays de civilisation urbaine, la générosité est rare. Les gens y ont  tendance à penser que faire l'aumône à quelqu'un qui est en mesure de travailler serait l'encourager à s'abstenir de chercher un emploi.

Les établissements hospitaliers

"L'organisation générale des hôpitaux de Paris relève d'un conseil de quinze membres qui comprend cinq bureaux affectés respectivement  à:

1° L'administration générale,
2° Le fonctionnement, les services aux malades et  la pharmacie,
3° Les fonds de réserve,
4° L'assistance aux nécessiteux à domicile,
5° Les dépenses des établissements et de leurs dépendances.

"Personne ne peut entrer à l'hôpital si sa maladie n'a pas été expressément  constatée  par un médecin. Si une personne en sort avant sa guérison complète tout en ayant recouvré des forces, il peut obtenir des fonds de réserve le nécessaire à sa subsistance jusqu'à ce qu'il soit en mesure de reprendre son travail.

"Le plus grand des hôpitaux de Paris s'appelle "Hôtel-Dieu", ce qui signifie à peu près "Maison de Dieu" (3). Il accueille malades et blessés mais n'admet pas les enfants, ni les personnes atteintes de maladie incurables ni les fous, ni les femmes en couches, ni les individus souffrant  de maladies chroniques ou du "mal franc" (ndt. la syphilis). Il y a des hôpitaux spéciaux pour chacune de ces maladies.


Hôtel-Dieu

"Entre autres établissements de santé  réputés à Paris il y a l'hôpital "Saint-Louis". Il est destiné aux personnes souffrant de maladies chroniques, de furonculose, d'eczéma, de prurits, de la gale etc. (4)

Orphelinats

"Il y a aussi un hôpital qui accueille les enfants trouvés après avoir été abandonnés par leur parents parce que fruits de l'adultère ou pour d'autres raisons. Les orphelins aussi ont leur hôpital. Ils y sont au nombre d'environ trois cents. Il y a une section pour les garçons et une autre pour les filles. Cet hôpital est géré par des religieuses connues sous le nom de "Soeurs de la Charité"  (5). La lecture, l'écriture et le calcul sont enseignés aux enfants. Lorsqu'il atteint l'âge de 21 ans, le garçon pensionnaire de cette institution est confié à un maître artisan, qui doit le loger, les frais étant couverts par l'hôpital. Il appartient au maître artisan d'adopter l'enfant et de le traiter comme son propre fils, sous la surveillance toutefois de l'institution, qui doit s'assurer de son bien-être et de sa bonne santé (6).

"Parmi les autres hôpitaux et hospices, il en est un spécialisé dans la vaccination anti-variolique et deux destinés aux personnes âgées, l'un pour les hommes et l'autre pour les femmes. Il y a aussi un hôpital pour les personnes souffrant de maladies incurables Il abrite quatre-cent cinquante hommes et cinq-cents femmes.

"Les aveugles de Paris et d'autres circonscriptions ont également leur hospice où tout le nécessaire leur est fourni y compris l'enseignement. (7) Il y a aussi un asile de fous.

Les Invalides

"Une grande caserne appelée hôpital des invalides est destinée aux blessés de guerre, amputés des bras, des jambes ou autres membres. C'est le plus propre et l'un des plus grands  hôpitaux. Il compte seize médecins et chirurgiens et autant d'apothicaires chargés de la fabrication des médicaments.


Hôtel des Invalides

L'Assistance

"Outre l'activité hospitalière, il existe une administration publique d'assistance qui assume les tâches que les hôpîtaux ne peuvent exécuter. Par exemple, si l'échoppe d'un commerçant vient à brûler ou est détruite, la remise en état est prise en charge selon des conventions déterminées.

"Chaque quartier de Paris a son bureau d'assistance constitué de deux divisions, l'une chargée des actions d'urgence immédiate et l'autre des actions périodiques. La première apporte une aide au pauvre accidentellement privé de ressources, la seconde apporte une aide aux personnes dans l'incapacité permanente de travailler.

Sécurité et postes de secours

"Sur les bords du fleuve, sont disposés des coffres contenant le nécessaire, notamment des sels, pour ranimer les personnes tombées dans l'eau,  évanouies ou blessées. Il y a aussi des postes où des hommes compétents se tiennent prêts à intervenir pour porter secours aux  personnes victimes d'accident.

La pauvreté

"On voit donc que l'aide aux personnes assumée par la collectivité ou l'autorité royale est plus importante à Paris qu'ailleurs. Mais en revanche, on voit des individus refuser l'aide que leur demande des personnes qui tombent en chemin mourant de faim, les rabrouant au prétexte que quiconque est en mesure de travailler n'a pas à mendier et, dans le cas contraire, n'a qu'à recourir à l'hôpital. Mais ils soupçonnent aussi certains mendiants de recourir à des artifices comme simuler des infirmités pour inspirer  compassion et  pitié. (8)

Enfin, dans ce domaine de la bienfaisance, il arrive que des collectes soit organisées pour venir en aide à certaines personnes frappées par le malheur. C'est ainsi que près de deux millions de Francs, soit six millions de piastres ont été offerts aux enfants du Général (sic). (9)

1) Une certaine confusion régnait entre les appellations hospice et hôpital étant donné le double rôle médical et d'assistance joué par les établissements hospitaliers, à l'origine aux mains du clergé puis intégrés à l'Assistance publique avec la constitution civile du clergé.

2) Le calife Abu-Jaafar Al-Mansour (754-775 père du célèbre Haroun al-Rachid, fut le fondateur de Bagdad. Son premier vizir Khalid ben Barmak, fondateur d'une richissime dynastie de vizirs, laissa le souvenir d'une mécène dont la générosité devint proverbiale.

3) "Domus Dei", fondé en 651 par Saint Landry, évêque de Paris. A la fois refuge et hôpital, il fut intégré à l'Assistance Publique au XIXème siècle.

4) Aujourd'hui encore cet hôpital est spécialisé dans la dermatologie à laquelle a été ajouté l'hématologie.

5) Les Soeurs de la Charité de Saint-Louis, congrégation religieuse fondée en 1803.

6) Tahtaoui ne parle pas de ce qui était éventuellement prévu pour les filles.

7) Il s'agit sans doute de l'hôpital des Quinze-vingts, fondé en 1260 par Saint-Louis.

8) Une très grande pauvreté régnait à cette époque. Elle accompagnait une très forte augmentation de la population consécutive à un développement industriel non assorti d'une politique sociale adéquate bien qu'en progrès.

9) Le fait qu'il ne nomme pas ce général induit qu'il s'agit d'une célébrité, donc de Bonaparte. Dans ce cas il s'agirait d'enfants illégitimes. On lui en connaît deux avérés, mais un seul, le fils d'Eléonore Denuelle de la Plaigne, Charles, qui se faisait appelé le Comte Léon, connu pour sa vie tumultueuse et un temps surendetté, pourrait être concerné. Un éclairage sur ce point serait le bienvenu.

Publié dans Histoire

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