UN ÉGYPTIEN À PARIS (21)

Publié le par Yaqzan


Sous Charles-X et Louis-Philippe


Paris pôle universitaire et capitale mondiale de la médecine

L'Imam Rifaat at-Tahtaoui fait l'éloge de la pratique médicale française

"Paris est la ville d'Europe qui attire le plus grand nombre d'étrangers désireux d'étudier les sciences et en particulier la médecine (1). Des malades y viennent aussi de pays lointains s'y faire soigner.


                Ecole de Médecine de Paris (gravure d'époque)

"Les sciences médicales englobent la thérapeutique, la chirurgie, l'anatomie, la physiologie, la prévention sanitaire, la médecine vétérinaire etc. Le médecins sont très nombreux à Paris. On en trouve partout. Il n'y a pas de rue où l'on ne puisse  en trouver plusieurs, de sorte que toute personne prise de malaise en chemin est secourue sur le champ par un praticien.

"Les malades consultent le médecin de diverses façons. Ou le médecin se rend au domicile du patient moyennant des honoraires établis, ou le patient se rend chez médecin. Le praticien reste à la disposition des patients à son cabinet en fonction d'horaires déterminés. Parmi les malades, il en est qui se rendent dans des établissements de soins moyennant paiement du prix des repas, de l'hébergement , des soins médicaux et autres services.

"Il y a également à Paris des centres médicaux qui accueillent les patients atteints de malformations ou amputations et pour lesquels on a recours à des méthodes relevant de la mécanique. Ainsi, on utilisera un appareillage métallique ou de bois pour compenser la perte d'un membre.

"D'autres établissements accueillent les femmes dont la grossesse arrive à terme. Elles y accouchent et y demeurent le temps des relevailles. Elles sont assistées par des sages-femmes et ont à leur disposition tout ce qui est nécessaire à l'enfantement.(2)

"Enfin, des hôpitaux publics accueillent gratuitement les patients pour toute la durée de leur traitement.

"Les médecins sont divisés en deux catégories. Il y a plus généralement ceux qui traitent les maladies de toutes sortes et puis ceux qui soignent des affections précises. Cela tient au fait que le champ de la science médicale est très large et il est rare qu'un seul homme puisse connaître et pratiquer la médecine dans toute sa diversité.

"Le corps médical français exige qu'après avoir étudié la médecine dans toutes ses branches, le médecin choisisse parmi elles une spécialité à  laquelle il se consacrera  entièrement pour renforcer et élargir sa compétence,  acquérir notoriété et se distinguer parmi ses confrères, attirant ainsi vers lui les patients dont la maladie relève de sa compétence particulière. (3)

"Ainsi trouve-t-on à Paris des médecins spécialisés dans les maladies pulmonaires, l'ophtalmologie, les affections nasales. Dans cette dernière spécialité, des médecins utilisent une méthode permettant la réparation de l'organe en cas de mutilation.


Instruments de chirurgie d'époque

"D'autre médecins parisiens prodiguent des soins en utilisant le fluide magnétique humain et il existe à Paris une association de praticiens de la médecine naturelle (4)  convaincus que le corps humain contient un fluide doté d'une force d'attraction magnétique dont l'effet se manifeste lorsque l'on approche la main du patient de façon répétitive, dans un mouvement semblable à celui du massage. Le patient s'endort ou perd toute faculté sensorielle, ce qui permet par exemple d'ouvrir  son corps et de pratiquer une ablation  sans qu'il  ressente la moindre douleur. C'est ainsi que fut pratiqué sur une femme l'ablation d'un sein. La patiente mourut plusieurs jours plus tard mais les médecins assurèrent que sa mort était due à une cause étrangère à
l'opération.

"Il est habituel à Paris que des médecins ayant la compétence nécessaire  assistent les femmes à l'accouchement. (5)

"Certains praticiens traitent les maladies mentales, d'autres les  affections des organes génitaux, la maladie de la pierre, les maladies de la peau répugnantes comme la lèpre ou la gale, les affections oculaires comme la cataracte, qui provoque la cécité, celles de la poitrine ou les diverses formes de paralysie. Pour ces dernières ils utilisent une méthode appelée acupuncture (6) qui consiste à planter dans le corps un grand nombre de fines  aiguilles par lesquelles ils extraient un peu de sang , ce qui amenuise l'effet de la maladie
(sic).

"On trouve aussi des médecins qui pratiquent l'orthopédie (7), à savoir la réparation de membres et également du visage, notamment de la bouche, en particulier chez les enfants. Des médecins savent également réparer un organe en comblant les plaies à l'aide d'un autre organe".

Après avoir énuméré quelques exemples de pratique médicale et  activités annexes comme la chimie, la production de substances simples et de synthèse, l'étude de l'anatomie, l'autopsie et la fabrication des instruments nécessaires à la médecine et la chirurgie, Rifaat at-Tahtaoui poursuit:

"Les écoles de médecine de Paris sont réputées pour leur qualité. Parmi elles, il y a la grande "Académie Royale de Médecine" (8). Elle est chargée de veiller à la santé publique face aux dangers des maladies contagieuses et épidémiques. A cet égard elle s'applique au développement de la vaccination antivariolique (9), l'expérimentation de médicaments nouveaux et de substances minérales naturelles ou artificielles pouvant entrer dans la composition de produits pharmaceutiques".

L'Imam Tahtaoui traduit ensuite dans son intégralité un code national de santé publique concernant l'hygiène de vie dans tous ces aspects, notamment alimentaire. "Bien que cela ne relève pas de ma mission, j'ai choisi, dit-il, de traduire ce code pour l'édification du peuple d'Egypte tant sont grands les bienfaits et les fruits que l'on peut en tirer".
Ce texte, que j'estime inutile d'inclure dans cet article, est apparemment tiré du discours inaugural prononcé en 1824 par le Secrétaire perpétuel de l'Académie Royale de Médecine, M. Pariset. La nécessité de l'hygiène était en effet devenue quasi-obsessionnelle  à l'époque, compte tenu de la concentration urbaine croissante.

(1) Les étrangers étaient effectivement très nombreux dans les universités parisiennes. Ils étaient déjà 2.500 en 1810 et, sous la "Monarchie de Juillet" , en 1830, on en comptait 200 en faculté de médecine.

2) Ces cliniques devaient être rares. Jusqu'à la moitié du XX-ème siècle et même au delà en milieu rural, on  a accouché chez soi avec l'assistance d'une sage-femme ou d'un médecin.

(3) La spécialisation était expressément recommandée par l'Académie Royale de médecine. 

(4) On dirait aujourd'hui physio-thérapeutes.

(5) Tahtaoui relève ans doute ce fait parce que dans son pays, pour des raisons de morale religieuse, seules les personnes de sexe féminin, en l'occurrence  les sages-femmes, pouvaient exercer cette pratique.

(6) L'auteur transcrit le mot français en caractères arabes sans le traduire.

(7) idem

(8) Elle a été fondée sous Louis-XVIII en 1821. Elle avait trois sections: médecine, chirurgie et pharmacie.

(9) Ce vaccin -le premier connu- a été inventé au XVIII-ème siècle par le médecin anglais Edward Jenner.

Publié dans Histoire

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