UN ÉGYPTIEN À PARIS (10)

Publié le par Yaqzan


Sous Charles-X et Louis-Philippe   ( lien) UN EGYPTIEN A PARIS


Découverte de la "Monarchie de Juillet"                       
                                                                                                                    Louis-Phillipe

Après avoir observé avec curiosité et souvent avec un étonnement d'enfant les choses de la vie quotidienne des Français, le Cheikh Tahtaoui jette son regard d'une acuité inouïe sur les Institutions de la France.

Il découvre la France d'après les émeutes parisiennes de Juillet 1830, dites  des "Trois Glorieuses", qui  renversèrent Charles-X et portèrent Louis-Philippe de Bourbon au pouvoir. Un Louis-Philippe tenant sa légitimité du Peuple,  qui  rétablit le drapeau tricolore à la place du drapeau blanc de la Restauration. Fort populaire dans les premières années de son règne, il fut appelé "Roi Citoyen" par le Peuple et détesté des autres monarques d'Europe .

Une étude au scalpel

Rifaat at-Tahtaoui, qui situe son récit en 1831 nous décrit donc les institutions monarchiques de Louis-Philippe un an après l'accession de celui-ci au pouvoir. Il le fait avec une minutie et une précision de chirurgien, nous décrivant la composition, le mode de formation, les attributions, le fonctionnement des divers organes du pouvoir: Le cabinet royal, siège du pouvoir, situé au palais des Tuileries,  la Chambre des Pairs (mode héréditaire), au Palais du Luxembourg, la Chambre des Représentants du Peuple (mode électoral), au Palais Bourbon, les ministères et plus particulièrement le fonctionnement de la Justice. Et enfin, le pilier central, à savoir la Charte Constitutionnelle (شرطة ), garante du fonctionnement de l'ensemble.

           

         Palais des Tuileries                                    Palais du Luxembourg                             Palais Bourbon             

N'oublions pas que Tahtaoui écrit pour l'édification de ses concitoyens égyptiens et en premier lieu de son souverain le vice-roi Mehemet Ali . Aussi, en ce qui nous concerne, nous ne nous attarderons pas sur cette longue et austère description, nous attachant plutôt aux impressions de l'auteur et à son jugement à propos de ces institutions.

 Un modèle exemplaire

Dès le début de son exposé, l'Imam manifeste son admiration devant les institutions françaises: "Nous allons, dit-il, vous faire découvrir les règles du pouvoir en France et leur organisation pour qu'elles servent d'enseignement à qui les prendra en considération" (لتكون عبرة لمن يعتبر ).

Parlant de la Charte Constitutionnelle Tahtaoui tient un propos qui prend une valeur exemplaire aujourd'hui au regard de l'intolérance de l'intégrisme islamique. "Si, écrit-il,  la plus grande partie du contenu de cette charte ne se trouve ni dans le Livre de Dieu -Qu'il soit exalté- ni dans les Traditions du Prophète -Que Dieu lui accorde sa  Bénédiction et le Salut- , voyez comment leur raison (parlant des Français) les a conduits à comprendre que la justice et l'équité sont la clé de la prospérité des Royaumes et du bien-être des hommes, et comment les gouvernants et leurs sujets ont été ainsi conduits à faire prospérer leur pays, accroître leurs connaissances, accumuler les richesses et parvenir à la sérénité. Aussi  n'entendons-nous jamais ici personne se plaindre d'injustice". (1)

Entre autres dispositions  constitutionnelles, le Cheikh Tahtaoui relève l'égalité de tous devant la loi , du plus grand, y compris le Roi, jusqu'au plus humble, la liberté d'expression et de publication (2) dans les limites du respect de la loi, la liberté de culte même si le catholicisme, apostolique et romain est reconnu religion d'état, l'égalité devant l'impôt chacun selon ses revenus, le droit d'accéder à tout fonction chacun selon ses capacités (ce qui incite à l'étude, note-t-il), le droit de propriété inviolable et la soumission de l'expropriation pour utilité publique à juste compensation. Enfin, la non-rétroactivité des lois.


Concernant la liberté d'expression le Cheikh relève qu'elle inclut  les domaines politique ou religieux dans les limites du respect des lois.

il note qu'aucune arrestation ne peut être opérée hors des dispositions légales.

A propos de l'impôt, Tahtaoui déclare qu'il n'a jamais entendu quiconque s'en plaindre.

Il note que toute réalisation ou action très importante peut être publiée dans les journaux, de même que les méfaits, et ce afin d'édifier la population.

La Conscription

L'Imam, dont la curiosité n'a d'égale que la précision, nous explique par le menu  les modalités du service militaire obligatoire:



Chaque année, on réunit les jeunes ayant atteint 21 ans pour tirer au sort ceux d'entre eux qui devront effectuer le service militaire, lequel est d'une durée de huit ans. Dès l'âge de 18 ans, les jeunes peuvent s'engager volontairement s'il jouissent de leurs droits civiques.

Sont exemptés du service militaire:

1°) Tout individu mesurant moins d'un mètre soixante-quinze, c'est à dire quatre           pieds et dix pouces .

2°) Tout individu atteint d'infirmité.

3°) L'aîné d'enfants orphelins de père et mère.

4°) L'aîné ou le fils unique ou le fils du fils aîné ou le fils unique dont la mère ou la grand-mère est veuve ou dont le père est aveugle ou âgé d'au moins 70 ans.

5°) le plus jeune de deux frères si l'un et l'autre ont été tirés au sort en même temps.

6°) l'individu dont un frère est encore sous les drapeaux ou est mort  en service ou blessé à la guerre. S'il le désire, un autre homme peut prendre sa place moyennant caution.

(1)  La situation décrite par Tahtaoui est celle des premières années du règne de  Louis-Philippe. Celui-ci, ouvert aux idées progressistes dote la France d'un régime vraiment parlementaire à quoi viennent s'ajouter les progrès de la Révolution industrielle. Mais sous la pression des forces conservatrices animées notamment par François Guizot, la situation sociale se dégrade et les disparités augmentent auxquelles s'ajoute une grave crise économique. C'est alors une nouvelle révolution, le renversement de Louis-Philippe et  l'avènement de la 2-ème République.
(2)
Dans les premières années du règne de Louis-Philippe, la Presse a joui d'une grande liberté. Les idées politiques s'y afffrontaient librement à travers le "journal des Débats" (orléaniste),  "La Gazette de France" et "La Quotidienne" (légitimistes pro-Boubons), "Le National" et "la Tribune" (Républicains).

Note: La "monarchie de Juillet", du moins dans son esprit initial, m'invite à vous reporter à l'un de mes précédents articles
 (lien) Une Monarchie Parlementaire élective! Pourquoi pas?








Publié dans Egypte

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