LE TERRORISME ISLAMIQUE HIER ET AUJOURD'HUI

Publié le par Yaqzan


Il était une fois ...
                              les "Assassins"


Bien avant que Ben Laden n'entreprenne de répandre la terreur  en Orient et Occident au nom d'un Islam radical dont les contours doctrinaux sont fort mal définis, naissait  en Perse, il y a près de mille ans une communauté islamique schismatique (ismaélienne, branche du chiisme) qui érigea l'assassinat politique en méthode systématique de combat contre ses ennemis, en l'occurrence le pouvoir islamique orthodoxe (sunnite).

Ce combat dura deux siècles, et la secte, qui se répandit de Perse jusqu'en Syrie, notamment à l'époque des croisades, fut connue sous le nom de "Ordre des Assassins". Ce nom lui avait été attribué par ses adversaires et victimes qui prétendaient que ses adeptes  étaient des "haschishiyine", agissant sous l'effet du cannabis, en arabe de l'époque "haschish el-fuqara'" (herbe des derviches) aux effets euphorisants. En réalité, les membres de la secte s'appelaient entre eux "rafiq" (compagnon) ou "fida'i" , c'est-à-dire homme prêt à sacrifier sa vie pour sa cause et son maître.

Les exploits de la secte furent tels qu'ils nourrirent d'une manière inouïe l'imaginaire des société européennes de l'époque au point que le mot assassin fut adopté par la plupart des langues d'Europe. Les faits et gestes de la secte firent l'objet de nombreux récits et contes plus ou moins fantaisistes et évoqués jusque  dans la poésie des troubadours. Dante Allighieri, lui-meme,  a réservé une place  aux Assassins dans son fameux "Enfer". Aujourd'hui encore le terme d'assassin est utilisé chez nous en Droit positif dans le sens de meurtre avec préméditation ou sur commande, très exactement comme le vocable originel emprunté il y a près de dix siècles

Cette secte ismaélienne était issue d'une dissidence de l'Ismaélisme du califat fatimide d'Egypte. Elle était connue sous le nom de Nizariyya par référence à Nizar, fils ainé du calife el-Mustansir, que le pouvoir fatimide avait évincé au profit de son frère cadet el-Mustaali.

Elle fut créée par Hassan ibn as-Sabbah, un homme savant initiés aux sciences religieuses et profanes et  nourri non seulement de l'héritage islamique mais aussi et surtout de celui des philosophes grecs néoplatoniciens et des religions de la Perse antique, zoroastrienne notamment,  sans négliger certaines croyances juives ou chrétiennes. Pour définir schématiquement la doctrine ésotérique néo-ismaélienne, on pourrait dire que la nouvelle prédication devait être conduite par une succession d'imams jusqu'à l'accession de l'homme à "l'Intellect universel" , une résurrection à partir de laquelle  la Loi (charia) et ses préceptes  perdraient toute raison d'être.


Hassan ibn es-Sabbah (enluminure)

Hassan ibn es-Sabbah établit sa communauté dans une forteresse des montagnes du nord de la Perse, près de la mer Caspienne. Cette forteresse bâtie sur le mont Alamout, n'était accessible  que par un  étroit goulot creusé entre deux falaises immenses et s'ouvrant sur une longue vallée fertile, véritable réserve alimentaire. La forteresse d'Alamout était donc inexpugnable et le demeura pendant deux siècles jusqu'à sa destruction par les envahisseurs mongols de Gengis Khan et de son fils Hulagu.

Le Temps des poignards

Le première des nombreuses victimes des sicaires de Hassan ibn es-Sabbah fut Nizam el-Mulk, homme d'état prestigieux, fin politique, amoureux des sciences et défenseur éclairé de l'Islam orthodoxe. Mais ce célèbre vizir du sultan seldjoukide d'Ispahan Alp Arslan puis de son successeur Malik Shah était un ennemi juré des doctrines ismaéliennes ce qui lui valut de périr sous le poignard d'un fida'i.

Certains ont écrit que la secte de Hassan ibn es-Sabbah pratiquait les attentats suicides. En fait, contrairement à la pratique actuelle d'al-Qaeeda de Ben Laden, il ne s'agissait pas d'actions kamikaze aveugles mais d'assassinats très précisément ciblés. Les exécutants opéraient généralement à l'aide d'un poignard au terme d'une tactique d'infiltration dans le proche entourage  des personnages visés dont on captait la confiance. Le fida'i était tout naturellement pris immédiatement sur le fait et exécuté et c'est pour cette raison seulement qu'on pouvait parler d'attentat suicide.

Les innombrables victimes de Hassan ibn es-Sabbah et de ses successeurs, si l'on met à part quelques combats guerriers, furent toutes des notables du pouvoir, fonctionnaires, responsables militaires, dignitaires religieux sunnites, préfets, vizirs, ministres, juges (cadis) . L'assassinat du calife abbasside el-mustarshid leur fut également imputé.

L'un des épisodes les plus étonnants de "l'épopée des assassins" fut la proclamation du "Millénium", à savoir la Résurrection spirituelle portant abolition de la Loi, par Hassan ibn Muhammad, arrière petit- fils du premier maître d'Alamut. En plein mois de Ramadan, se poclamant "Imam du Temps", descendant de Nizar, il fit rompre le jeûne et convia ses disciples a boire du vin et leur ordonna impérativement de ne plus observer la Charia.

Il fut suivi sur la même voie en Syrie par Sinan maître des néo-Ismaéliens de Qadmus et autres forteresses du nord du pays alors théatre des combats entre les croisés francs et les musulmans sunnites conduits par Saladin. Il y eut entre les Francs et  Sinan, appelé "Le Vieux de la montagne" dans les traditions, une cohabitation faite d'une succession d'alliances de circonstance et de conflits armés. Le roi de Jérusalem Conrad de Montferrat à peine intronisé tomba sous les coups du poignard d'un sicaire de Sinan en 1192, soit cent ans très exactement après la création de l'Ordre nizarite de Hassan ibn es-Sabbah maître d'Alamut. Il y eut même , dit-on,  des tentatives contre Richard Coeur de Lion et Saladin mais leur origine n'a pas été clairement établie, compte tenu des rivalités qui existaient à l'intérieur même des divers camps.


Conrad de Montferrat (musée de Versailles)


La fin d'Alamut et le temps de la sérénité

Dans le dernier quart du XIIIème siècle, les mongols mirent fin au règne des Ismaéliens nizarites de Perse mais le fils de Rukneddine , dernier maître d'Alamut, engendra une lignée d'imams qui à partir du XIXème siècle furent connus sous la dénomination d'Agha Khan. Ils prirent Bombay, en Inde,  pour siège de la communauté ismaélienne dite des khodjas, dont les préoccupations spirituelles et temporelles innocentes sont aujourd'hui fort éloignées de celles de leurs ancêtres d'Alamut.

 Les deux derniers Agha Khan se sont fait connaître par leurs richesses, leur écuries de courses, mais aussi leurs mécénats culturels et de bienfaisance. Le dernier, Karim , 49ème de la lignée des imams ismaéliens, a créé le prix Agha Khan d'Architecture musulmane dont le français Jean Nouvel a été lauréat en 1987  pour sa conception de l'immeuble de l'Institut du Monde Arabe (IMA) à Paris.

Muhammad Shah Agha Khan, son père, a son mausolée en Haute-Egypte, près d'Assouan sur une colline surplombant le Nil. Lorsqu'il désigna son fils Karim pour lui succéder, Muhammad Shah avait déclaré que "en raison des transformations radicales survenues dans le monde", il était "de l'intérêt de la communauté" que son successeur "soit un jeune homme élevé dans l'esprit des temps nouveaux... "

Mausolée de Muhammad Shah (ph. www. Nomao)

Karim Agha Khan règne sur une communauté de quelque vingt millions de fidèles dans le monde. Ils sont encore quelque 50.000 dans le nord de la Syrie, où l'on a trouvé de précieux manuscrits anciens concernant les fondements de la doctrine ismaélienne.





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