L'AFP ET LE POUVOIR
L'indispensable indépendance

siège de l'AFP (place de la Bourse) photo Yaqzan 26/06/2008
Les attaques récemment lancées par l'entourage de Sarkozy et l'UMP contre l'Agence France-Presse, accusée de partialité en faveur de Ségolène Royal, m'invitent à faire le point sur les rapports de cette agence avec le pouvoir.
Comme je l'ai exposé dans un article précédent auquel je vous renvoie (cliquer) l'AFP est chargée de recueillir en France et dans le monde entier les informations recueillies par ses journalistes afin de les distribuer à ses abonnés de tous bords. Cette activité suppose une nécessaire et indiscutable crédibilité que seule son indépendance peut garantir.
Dans l'affaire mentionnée plus haut, la direction de l'AFP a démontré la vanité des accusations portées contre l'agence, et la Société des rédacteurs a dénoncé les tentatives de pressions ainsi exercées par le pouvoir.
Il convient de rappeler qu'aux termes de son statut approuvé en 1957 par l'Assemblée nationale, l'AFP est "... un organisme autonome doté de la personnalité civile et dont le fonctionnement est assuré suivant les règles commerciales."
Il est écrit notamment que l'agence "ne peut en aucune circonstance tenir compte d'influences ou de considérations de nature à compromettre l'exactitude ou l'objectivité de l'information" et "ne doit, en aucune circonstance, passer sous le contrôle de droit ou de fait d'un groupement idéologique, politique ou économique". Il est précisé qu'un conseil supérieur est chargé de veiller au respect de ces obligations.
Sur ses seize membres, le conseil d'administration compte trois représentants des pouvoirs publics (Premier Ministre, ministère des Finances et ministère des Affaires Etrangères) outre dix représentants des organes de presse et deux représentants du personnel. Le président est choisi par le conseil hors de ses membres.
L'indépendance de l'AFP par rapport à tous les pouvoirs est donc inscrite dans le marbre. Ceux qui pensent avoir intérêt à faire planer le doute à ce sujet (les agences concurrentes anglo-saxonnes ne s'en sont jamais privées) mentionnent le fait que 40 pour cent des revenus de l'AFP proviennent de l'Etat par le biais de ses abonnements aux services de l'agence.
C'est une réalité qui n'a aucune pertinence dans le débat sur l'indépendance de l'AFP. Il convient en effet de préciser que l'Etat (la Présidence, le Premier Ministre, les ministères, les préfectures, les ambassades dans le monde entier et autres services publics) ne peut se passer des informations que l'AFP lui distribue.
J'en ai fait le constat au cours de mes activités à l'étranger. Nos ambassades et leurs divers services comptent énormément sur les informations, les enquêtes et les analyses que nous leur servons et dont ils se servent dans les rapports qu'ils sont chargés de fournir. Ce n'est pas seulement vrai des services diplomatiques français mais aussi de ceux d'autres pays, surtout d'Europe, d'Amérique latine et d'Afrique francophone auprès desquels l'AFP jouit souvent d'un grand prestige.
Dans l'exercice de mes activités pour l'AFP, je peux affirmer n'avoir jamais subi de quelconques pressions ni reçu de directives comminatoires ou même seulement implicites. Tout a toujours été laissé à mon seul jugement dans le cadre fixé par la technique rédactionnelle propre à notre métier et dont la rigueur tient lieu de déontologie.
Je crois que d'une manière générale, les gouvernements successifs, placés devant la réalité du "fait AFP" dans ce qu'il a de particulier avec son statut qualifié naguère de "sui generis" par un conseiller d'état, s'en étaient jusqu'à présent accommodés de plus ou moins bonne grâce. Simple réalisme.
Mais tout autant que son statut, la culture d'entreprise de l'AFP très fortement ancrée dans le personnel est garante de cette indépendance. Il faut remarquer à ce propos que les présidents successifs de l'AFP de quelque bord politique qu'ils aient été, y- compris ceux qui ont pu bénéficier d'un "coup de pouce" du pouvoir, ont toujours et très vite intégré cette culture.

AFP Salle de rédaction photo Yaqzan 26/06/2008
Actuellement, l'agence a besoin de l'aide de l'état pour se doter des équipements nécessaires au développement de ses activités multimédia. J'ai appris que des pourparlers sont prévus sur ce point. Il serait navrant qu'il soient l'objet de marchandages politiques douteux.
Il en va de la survie de ce qui est un fleuron de la presse française malheureusement mal connu du public.